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Le Mâconnais dit brionnais

Mâconnais brionnais

[Source : Jean Rigault, Une question de géographie historique bourguignonne. Bulletin philologique et historique jusqu'à 1610 du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1965. BnF/Gallica]

Lorsque 1779 l'abbé Courtépée publia le tome IV de sa Description historique et topographique du duché de Bourgogne (1), ouvrage où les villes et villages sont classés par bailliages, la « description du Brionnois » comportait, à la suite des paroisses du « bailliage de Semur en Brionnois », les « paroisses mâconnoises ». Dans le « Coup d'œil sur le bailliage de Semur en Brionnois » qui ouvre la « description », Courtépée s'exprime ainsi : « En formant la généralité de Semur, on laissa dans sa recette une partie des paroisses mâconnoises, qui ont toujours ressorti au Parlement de Paris ; elles sont au nombre de 25, compris la ville de Marcigni, le bourg du Bois-Sainte-Marie, et 15 hameaux détachés des paroisses voisines (2). Celles-ci, appelées mâconnoises, ne sont point soumises à la coutume du Duché et sont régies par le droit écrit sous le bailliage de Mâcon... La partie mâconnoise du Brionnois n'est point assujettie au droit d'aides qui a lieu dans toute l'élection de Mâcon. La taille ne s'y impose point sur les fruits, elle est personnelle comme en Bourgogne ».

(1) Courtépée, 1ère éd., in-8°.
(2) Ces chiffres sont empruntés à des mémoires manuscrits de Verchère de la Reffye, communiqués à Courtépée, publiés en partie par J.-M. Guillard, Sources de l'histoire du Brionnais, dans Mémoires de la Société éduenne, t. XL (1912), p. 364 et 368-370.


Et Courtépée indiquait aussi que les « paroisses mâconnoises, dans la recette et subdélégation de Semur en Brionnois », sont « presque toutes du diocèse d'Autun ». La restriction est superflue, car en fait, toutes les paroisses du Mâconnais brionnais étaient du diocèse d'Autun (1).

Le bailliage de Mâcon, tel qu'il subsistera jusqu'en 1790, était assez différent du diocèse et de l'ancien pagus Matisconensis. Le diocèse de Mâcon, qui offrait approximativement la forme d'une équerre, était constitué par « deux groupes territoriaux orientés, l'un de l'ouest à l'est, l'autre du sud au nord, et réunis par un isthme étroit ne mesurant pas 10 kilomètres de large » (2).

Le diocèse d'Autun, au nord-ouest, séparait les deux groupes et s'avançait même entre eux assez profondément en une sorte de presqu'île (3).

Le bailliage de Mâcon présentait aussi une configuration en équerre, mais, tandis que le groupe du nord était à peu près identique au groupe orienté du sud au nord du diocèse de Mâcon (4), le groupe orienté de l'ouest à l'est avait son centre de gravité nettement plus au nord que la partie méridionale du diocèse. Le bailliage n'avait conservé dans cette moitié sud du diocèse que la région de Châteauneuf. En revanche, l'avancée du diocèse d'Autun, au sud de Charolles, vers Bois-Sainte-Marie, était passée au bailliage de Mâcon. C'était le Mâconnais brionnais (5).

Le bailliage de Mâcon était d'un seul tenant, mais le Mâconnais des états du Mâconnais (6), lui, était composé de deux territoires distincts, d'une part le Mâconnais propre autour de Mâcon et de Cluny, d'autre part la région de Châteauneuf (7). Ces deux groupes de territoires appartenaient au diocèse de Mâcon. Entre les deux, le Mâconnais brionnais, relevant des États du duché de Bourgogne, était du diocèse d'Autun.

(1) Courtépée (IV, p. 258), place Baudemont (cant. de La Clayette, Saône-et-Loire), qui était du diocèse de Mâcon, dans la recette de Semur-en-Brionnais, mais ce village était en réalité de la recette de Mâcon (Nouvel état général et alphabétique des villes... et paroisses... du duché de Bourgogne..., 1783, fol. 22 v°).
(2) M. Chaume, Les origines du duché de Bourgogne, Seconde partie, Géographie historique, fasc. III (1931), p. 1014-1015.
(3) Voir la carte.
(4) Voir Pierre Gras, l'Élection de Chalon-sur-Saône du XIVe au XVIe siècle, dans Annales de Bourgogne, t. XVIII, 1946, p. 93.
(5) A noter, toutefois, que quatre paroisses du diocèse de Mâcon, Iguerande, Jonzy (comm. de Saint-Julien-de-Jonzy), Mailly et Saint-Julien-de-Cray (Saint-Julien-de-Jonzy), appartenaient en partie au bailliage de Semur-en-Brionnais.
(6) Voir J. Roussot, Un comté adjacent à la Bourgogne aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le Mâconnais, pays d'États de d'élection, Mâcon, 1937.
(7) Cant. de Chauffailles (Saône-et-Loire).


La perte du sud du pagus Matisconensis par le comté de Mâcon est due, d'une part à la formation de la seigneurie de Beaujeu et d'autre part aux événements militaires de la lutte entre les partisans de Charles VII et les anglo-bourguignons. Au moment du traité d'Arras, le front stabilisé devint une frontière de fait (1).

Les origines de l'avancée du comté de Mâcon en territoire autunois sont obscures.

Il s'était constitué autour du château de Montmelard (2) dans l'extrême sud du pagus d'Autun une seigneurie, qui comprenait aussi les châteaux de Dun (3) et de Bois-Sainte-Marie (4) et qui déborda sur le pagus de Mâcon autour du château de Châteauneuf (5). Cette seigneurie avait été formée, au XIe siècle, par une grande famille, à qui avait été apportée, sans doute par un mariage, la vicomté de Mâcon, celle des Le Blanc (6). Vers 1200, le comte de Mâcon possède, non seulement le vicomté de Mâcon et la châtellenie de Châteauneuf, mais aussi celles de Dun et de Bois-Sainte-Marie. Quand en 1239 le roi de France acquit le comté de Mâcon, ce bloc de territoires y était incorporé et il suivit désormais les destinées du Mâconnais (7).

Plus à l'ouest, le prieuré de Marcigny (8), sous la garde royale, se trouva, après l'union du Mâconnais à la couronne, rattaché au bailliage de Mâcon (9). Les villages qui en dépendaient formèrent ce qu'on appela plus tard la châtellenie de Chambilly (10).

(1) Voir Henri Furgeot, Les baillis de Mâcon, sénéchaux de Lyon. Essai sur l'extension de l'autorité royale par le Ministère des baillis (Ecole des Chartes. Positions des thèses de la promotion de 1878, p. 33-36), et J. Richard, « Enclaves » royales et limites des provinces. Les élections bourguignonnes, dans Annales de Bourgogne, t. XX, 1948, p. 98-99 et 113.
(2) Canton de Matour, arr. de Mâcon.
(3) Dun-le-Roi, comm. de Saint-Racho (cant. de La Clayette, arr. de Charolles, Saône-et-Loire).
(4) Mêmes cant., arr. et dép.
(5) Cant. de Chauffailles, arr. de Charolles.
(6) Voir G. Duby, La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, 1953, dans Bibl. gén. de l'École pratique des Hautes Études, 6e Section, p. 185.
(7) J. Richard, Aux origines du Charolais. Vicomté, vigueries et limites du comté en Autunois méridional (Xe-XIIIe siècles), dans Annales de Bourgogne, t. XXXV, 1963, p. 99-100.
(8) Voir P. de La Bussière, Le bailliage de Mâcon, 1914, p. 199. Chambilly (cant. de Marcigny), est sur la rive gauche de la Loire.


On sait qu'en 1355, lorsque les nécessités de la guerre amenèrent le roi à demander à tous ses sujets de lui accorder une « aide », les diocèses furent choisis comme cadres de la perception. Au diocèse, considéré comme circonscription financière, fut attaché peu à peu la dénomination d'élection (1).

Le comté de Mâcon, en 1355, appartenait au domaine royal ; il n'en fut pas moins divisé, pour la levée des aides, entre deux élections, celles de Mâcon et d'Autun, chacune englobant les paroisses de leur diocèse respectif (2).

Ainsi, les châtellenies de Bois-Sainte-Marie et de Chambilly, situées dans le diocèse d'Autun, furent rattachées à l'élection d'Autun, et non à celle de Mâcon (3).

En 1435, le traité d'Arras confirme la possession du Mâconnais au duc de Bourgogne. De plus les produits des aides dans les élections de Mâcon, Chalon et Autun lui étaient abandonnées. L'élection royale d'Autun, avec son ressort propre, était maintenue, mais tombait entièrement entre les mains du duc (4). Elle subsistera longtemps encore après la réunion de la Bourgogne à la couronne, puisqu'elle ne sera supprimée que par un édit de Charles IX d'août 1561 (5). La recette de l'élection d'Autun avait été réunie en 1474 par Charles le Téméraire à la recette du bailliage (6), mais les paroisses de l'élection étaient toujours imposées à part et constituaient dans les rôles et les comptes un chapitre spécial. Cet état de chose se continua bien après 1561, puisqu'il dura jusqu'en 1651 inclusivement (7).

A la « tenue » de 1605, les États de Bourgogne, considérant l'excessive étendue de la recette d'Autun, décidèrent la création d'un poste de commis du receveur d'Autun, qui résiderait à Semur-en-Brionnais, chargé du bailliage de Semur-en-Brionnais et des châtellenies de Bois-Sainte-Marie et de Chambilly (8). Une décision des élus du duché, prise le 19 février 1607 (9), alla plus loin ; le Brionnais et le Mâconnais « autunois » formèrent une nouvelle recette, absolument indépendante de la recette d'Autun.

(1) G. Dupont-Ferrier, Études sur les institutions financières de la France à la fin du Moyen Age, 1930-1932, I, p. 26-28.
(2) J. Richard, « Enclaves »..., p. 94.
(3) J. Richard, L'élection financière d'Autun du XIVe au XVIe siècles, dans Mémoires de la Société Eduenne, t. L, 1947, p. 9, 10 et 17.
(4) Ibid., p. 5-6.
(5) Recueil des édits, déclarations et ordonnances concernant l'administration des États de Bourgogne, II (1787), p. 219-222.
(6) J. Richard, L'élection... d'Autun, p. 13.
(7) Voir Arch. dép. de la Côte-d'Or, C 5074, 5083, 5202, 5203, 5267, 5287, 5475, 5483 bis. (comptes) et C 3096, fol. 212 v°-213 1° (Règlement des élus du 20 décembre 1651).
(8)Délibération du 6 juin 1605 (C 3075, fol. 231).
(9) C 3075, fol. 359 v°-360.


Ainsi prit naissance, à partir de l'exercice de 1607, la recette de Semur-en-Brionnais (1), qui ne disparaîtra qu'en 1790. Des comptes de la recette d'Autun furent transporté, dans les comptes de la recette de Semur, outre le bailliage de Semur-en-Brionnais, le chapitre spécial pour les « villes et villages du Mâconnais qui souloient ressortir à l'élection d'Autun » (2), autrement dit les châtellenies de Chambilly et de Bois-Sainte-Marie. Ainsi rattachés à la recette de Semur-en-Brionnais, ces villages furent compris sous la dénomination usuelle de Mâconnais brionnais (3). Cette discordance singulière, dans ce petit pays de Bourgogne, entre l'appartenance judiciaire et les ressorts administratif et financier ne disparaîtra qu'avec l'Ancien Régime.

(1) Le premier receveur fut Guillaume Rousset, de Semur (C 3075, fol. 360 ; C 5287, fol. 1-3).
(2) C 5287, fol. 5-6 ; C 5391, fol. 226.
(3) A partir de 1652 (C 5287, C 5483 bis), dans les comptes de la recette de Semur-en-Brionnais, la distinction entre bailliage de Semur et villages du Mâconnais disparaît. Les paroisses sont regroupées, dans un nouvel ordre, sans distinction du ressort ancien. Les recherches de feux de l'Autunois, puis du Brionnais, ordonnées par les États de 1597 à 1644 (C 4744-4748 et C 4841), faites par ordre topographique, ne tenaient d'ailleurs déjà pas compte de l'ancienne élection d'Autun. Il y était toutefois précisé si les paroisses ou hameaux étaient « en duché », en « royauté » (les anciennes « enclaves ») ou en Mâconnais.


Liste des communes composant le Mâconnais brionnais en 1790 (*)

1. Châtellenie de Chambilly.

Artaix (1) [Artais-en-Royauté], Baugy (1) [Baugy-en-Royauté], Briant (2) [Briant-en-Royauté], Chambilly (1), Marcigny (1), Saint-Didier-en-Brionnais (2) [Saint-Didier-en-Royauté], Sainte-Foy (2) [en partie], Saint-Martin-du-Lac (1) [Saint-Martin-du-Lac-en-Royauté], Sarry (2) [Sarry-en-Royauté et Chessy], Varenne-l'Arconce (2).

2. Châtellenie de Bois-Sainte-Marie.

Amanzé (3) [Amanzé-en-Royauté], Ballore (4) [Chaintry et Chanvenot], Bois-Sainte-Marie (3), Chenay-le-Châtel (1) [Chenay-l'Hôpital en Mâconnais], Colombier-en-Brionnais (3), Curbigny (3), Dompierre-les-Ormes (5), Dyo (3), Gibles (3), La Guiche (4) [en partie], Matour (5), Meulin (5), Montceaux-l'Etoile (1) [en partie], Montmelard (5), Ouroux-sous-le-Bois-Sainte-Marie (3), Oyé (2) [Oyé-en-Royauté], Ozolles (6) [en partie], Poisson (7) [Poisson-en-Royauté : Petit-Selorre et Sermaize], Prizy (6), Saint-Bonnet-des-Bruyères (8) [La Flacillière et Tellay], Saint-Christophe-en-Brionnais (2) [Saint-Christophe-en-Royauté], Saint-Germain-en-Brionnais (3), Saint-Igny-de-Vers (8) [en partie], Saint-Léger-sous-la-Bussière (9), Saint-Racho (3), Saint-Symphorien-des-Bois (3), Suin (10), [Mont], Saint-Yan (7) [Saint-Yan-en-Royauté : La Brosse, Puthières, grand-Selorre], Sivignon (10), Trades (9) [Tradet], Trivy (5), Vareilles (3), Verosvres (10), [Mont et la Combe-aux-Perrières], Versaugues (7) [en partie].

(*) Cette liste est établie d'après les rôles et les comptes du fonds des États de Bourgogne aux Arch. Dép. de la Côte-d'Or (série C, passim), Courtépée, ouvr. cité et les Mémoires de Verchère de la Reffye, publiés en 1912 (voir (2)).

(1) Cant. de Marcigny, arr. de Charolles, Saône-et-Loire.
(2) Cant. de Semur-en-Brionnais, arr. de Charolles.
(3) Cant. de La Clayette, arr. de Charolles.
(4) Cant de La Guiche, arr. de Charolles.
(5) Cant. de Matour, arr. de Mâcon.
(6) Cant. de Charolles.
(7) Cant. de Paray-le-Monial, arr. de Charolles.
(8) Cant. de Monsols, arr. de Villefranche-sur-Saône, Rhône.
(9) Cant. de Tramayes, arr. de Mâcon.
(10) Cant. de Saint-Bonnet-de-Joux, arr. de Charolles.

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