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Essai historique sur Châteauneuf-en-Brionnais,
ou châtellenie royale sur les bords du Sornin

Par l'abbé L. Pagani (1896)


Chapitre I



Châteauneuf. Aperçu général. Sa vieille forteresse.
Son église romane et ses fondations religieuses. Ses curés.
Son hospice. Son bureau de bienfaisance.


Hôtel de la Croix-Blanche à Châteauneuf

Le Brionnais, sur les limites duquel est situé Châteauneuf, au sud-est, s'étendait, nous dit l'abbé Cucherat, sur les deux rives de la Loire, depuis l'embouchure du Sornin jusqu'au-dessous de l'Arroux. La ville de Semur en était la cité principale ; antique capitale des Brannovii, peuple pasteur de cette contrée, qui forme maintenant le Brionnais, elle gardait à l'est et à l'ouest le cours de la Loire. Il comprenait également, croyons-nous, toute la vallée du Sornin, partie sud-ouest du comté de Mâcon (1).

Ce comté, qui joua un rôle politique fort important jusqu'au jour où il devint une province du duché de Bourgogne, composait le Pagus matisconensis, c'est-à-dire tout le diocèse de Mâcon, dès le IX° siècle. Borné à l'est et au sud par le Beaujolais, les relations entre ces deux provinces étaient d'autant plus fréquentes que toute la partie nord du Beaujolais, dépendait au religieux du Mâconnais. Ainsi Beaujeu et la plus grande partie de son archiprêtré étaient sous la direction, sub regimine, de l'évêque de Mâcon (2).

(1) Châteauneuf, sur les bords du Sornin, a plutôt fait partie du Mâconnais et du Beaujolais ; M. Thiollier, dans son intéressant ouvrage de l'Art Roman en Brionnais, cite Châteauneuf comme appartenant au Brionnais.
(2) A. Bernard, Cartul. de Savigny, p. 1094. Id., appendice, p. 990 et 1045. Le diocèse de Mâcon possédait dans l'archiprêtré de Beaujeu : Beaujeu, Saint-Léger, Aiguilly, Coutouvre, Chassigny-sous-Dun, Chandon, Saint-Igny-de-Roche, Ecoches, Fleury-la-Montagne, Jonzy, les Ardillats, Maizilly, Mars, Pouilly, Pradines, Varenne-sous-Dun, Saint-Nizier-sous-Charlieu, Saint-Julien-dc-Cray, La Grelle, Belmont, Mardore, Mussy-sous-Dun, Saint-Jean la-Bussière, Saint-Vincent-de-Rhins, Arcinges, Cublize, Belleroche, Charlieu, la Chapelle-sous-Dun, Vernay, Montagny, Poule, Saint-Denis-de-Cabanne, Saint-Germain-la-Montagne, Saint-Hilaire, Saint-Bonnet-de-Cray, Saint-Vincent-de-Boisset, Vougy, CHATEAUNEUF, Lixy, Saint-Maurice, Tancon, Azolette, Chauffailles, Lygny, Saint-Sernin, Boisset, Jarnosse, Villiers, Saint-Bonnet-de-Troncy, Perreux, Saint-Victor, Chenelette, Saint-Laurent-en-Brionnais, Saint-Jean-du-Château de Beaujeu, Saint-Didier, Grandris, Sevelinges, Marnand, Ranchal, Thizy, Saint-Nizier-d'Azergues, Claveisolles, Cours, Thel, Coublanc, Iguerande, Mailly et Regny, et cela encore au XVI° siècle.
L'archiprêtré de Beaujeu, dans le diocèse de Lyon, s'étendait sur Quincié, Villefranche, Vaux, Ouilly, Arnas, Dracé, Arbuissonas, Odenas, Blacé, Salles, Lacenas, Charentay, Ville-sur-Jarnioux, Corcelles, Saint-Jean-d'Ardières, Denicé, Montmelas, Liergues, Marcy, Pouilly, Saint-Julien, Pomiers, Saint-Léger, Gleizé, Belleville, Cercié, Saint-Jean-d'Ardières, Arnas. (A. Bernard, Cartul. de Savigny, appendice p. 990 et 1045.)


Le diocèse d'Autun, de son côté, possédait en Mâconnais l'archiprêtré du Bois-Sainte-Marie, dans lequel nous voyons figurer les paroisses d'Aigueperse, Saint-Igny-de-Vers, Propières, Monsols, Saint-Christophe et Saint-Mamert. Ces paroisses, à part celle du Bois-Sainte-Marie, appartenaient au Beaujolais ; elles font maintenant partie du diocèse de Lyon (1).

(1) A. Bernard, Pouillé du diocèse de Mâcon.


Cette position du Beaujolais, auquel appartint Châteauneuf pendant plusieurs siècles, cette situation dans trois diocèses, Lyon, Mâcon et Autun, ont grandement intrigué les érudits, qui n'ont jamais pu l'expliquer d'une manière satisfaisante. Il est à croire que cela correspondait primitivement à des circonscriptions religieuses des VII° et VIII° siècles, que l'on a perdues depuis.

Or, une des parties les plus riches et les plus gracieuses du Brionnais, sur les limites du Mâconnais et du Beaujolais à l'ouest, est bien la vallée du Sornin.

Le Sornin est une jolie petite rivière, qui descend des monts du Lyonnais et de Saint-Racho, village bâti aux pieds des ruines du Dun. Ses eaux vives et limpides, où se jouent la truite à l'écaille argentée et d'autres variétés d'excellents poissons, ont un parcours d'une cinquantaine de kilomètres au milieu de charmantes vallées et de plaines fertiles. Elles visitent plusieurs bourgs importants et viennent se jeter dans la Loire à Pouilly-sous-Charlieu, à quelque distance de Roanne.

Parmi ces localités qu'embellit le Sornin, il en est une qui frappe l'attention et attire les regards des nombreux touristes qui parcourent ces contrées, si riches en souvenirs historiques et archéologiques, c'est le bourg, autrefois ville de Châteauneuf. Sa situation pittoresque, sa vieille église, et le château de ses anciens seigneurs invitent le voyageur à une halte pleine d'intérêt.

Faisons ensemble cette halte, cher lecteur, si vous le voulez bien ; halte un peu longue sans doute, mais que nous essayerons de vous rendre intéressante, grâce aux sérieuses et consciencieuses recherches que nous avons faites avec le précieux concours de l'aimable possesseur actuel du château féodal. Les archives de Châteauneuf, celles des départements du Rhône, de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or ont été consultées, et nous y avons recueilli en partie ce qui pouvait intéresser l'amateur de nos anciennes histoires locales, laissant bien des champs inexplorés aux chercheurs plus heureux que nous.

Châteauneuf, Castrum Novum, comme nous pouvons le lire dans les anciennes chartes, fut aux premiers siècles de notre ère une redoutable forteresse. Châtellenie royale depuis le XIII° siècle jusqu'à la Révolution française, il devint alors pour quelques années chef-lieu de canton. Mais, en 1803, ce titre lui ayant été enlevé pour être transporté à Chauffailles, bourg devenu plus important, Châteauneuf devint une commune du canton de Chauffailles et du département de Saône-et-Loire. Cependant, au souvenir de ses gloires passées, c'est encore, pour bien des gens des alentours, la VILLE où l'on trouve la résidence d'un notaire, un bureau de poste et télégraphe, et ressources nombreuses.

L'on y compte de nos jours une soixantaine de maisons et à peu près quatre-vingt-dix ménages. La superficie de son territoire est de 134 hectares, dont le sol granitique, sablonneux et argileux convient à la culture de toutes sortes de céréales. Ses habitants honnêtes et laborieux s'y livrent à la fabrication des tissus de soie, à la culture des céréales, même de la vigne, et à l'élevage des bestiaux. Ses foires, au nombre de sept attirant jadis beaucoup d'étrangers. On y trouve les métiers les plus variés et des serruriers fort habiles.

On est étonné qu'une si petite localité en ait eu un si grand nombre ; c'était un reste sans doute de ses anciens privilèges qu'on n'avait pas cru devoir lui enlever. D'ailleurs sa position sur les limites du Charollais, du Forez, du Beaujolais et du Mâconnais, explique leur prospérité.

L'école municipale, bâtie depuis 1884, y est bien établie en une situation aérée et salubre. Il y a également une école chrétienne de filles, tenue par des religieuses de Saint-Joseph de Cluny, fondation bienfaisante d'un ancien curé de Châteauneuf, M. l'abbé Deruol, en 1825. Il est à regretter que l'hospice, fondé et doté par une noble châtelaine du XVII° siècle, dame Hippolyte de Gondy, ait disparu ; un bureau de bienfaisance distribue maintenant les revenus qui y étaient attachés.

Le bourg, qui dans le principe devait être groupé autour de l'église et de l'antique forteresse, est descendu peu à peu sur la pente de la colline, inclinant vers le Sornin, s'établissant en sûreté sur sa rive gauche, lorsque les rivalités des seigneurs et les bandes armées du moyen âge eurent cessé leurs exploits et leurs ravages. Il est actuellement traversé par l'ancienne route départementale de la Clayette à Roanne, et de grande communication entre Chauffailles et Marcigny. Celle-ci s'éloigne de Châteauneuf dans la direction de Marcigny en passant le Sornin sur un pont en pierres de quatre arches et fort ancien.

Le nouveau chemin de fer de Roanne à Chalon est venu depuis quelques années donner un nouvel agrément à cette vallée. Il dessert la localité par une gare, située à très peu de distance sur le territoire de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf. Le voyageur, qui débarque en ce lieu, est aussitôt agréablement réjoui par la vue du paysage qui se déroule à ses yeux. Gracieusement étage, au-dessous de deux belles terrasses qui portent l'église, le château et le vieux donjon, le village voit ses dernières maisons se mirer dans les eaux limpides de la rivière.

Les deux monuments importants de Châteauneuf sont l'église et le château ; celui-ci, tel qu'il est actuellement, date du XVI° siècle, mais ses constructions souterraines prouvent qu'il remonte à une époque beaucoup plus reculée, plus ancienne même que celle où les Armagnacs détruisirent la vieille forteresse du Banchet. Seulement il subit alors de telles transformations par les seigneurs de la Madeleine, en 1520, qu'il paraît ne dater que de cette époque.

Quant à la forteresse du Banchet, dont on voit encore les ruines au sommet de la colline, elle était déjà connue au X° siècle sous le nom de Castrum, citadelle de Châteauneuf. Elle succéda sans doute à une autre plus ancienne, forteresse gallo-romaine, établie là par les Romains pour maintenir en leur puissance les pays environnants. Ce poste important prit, sous la domination franque ou burgonde, le nom de Châteauneuf, indiquant ainsi qu'un nouveau castel remplaçait celui que les Gallo-Romains avaient bâti.

D'ailleurs on croit voir dans les environs des traces de ces voies à larges dalles, voies dites romaines, que les conquérants des Gaules établissaient pour relier leurs postes militaires.

Il existait en effet, nous dit M. Jeannez, une voie romaine sur la rive droite de la Loire, qui passait par Bonvers, Aiguilly et Vougy. La branche droite se dirigeait sur Chalon par Charlieu, et la gauche sur Autun par Marcigny et Toulon-sur-Arroux (1). Celle de Charlieu devait probablement, en quittant cette ville, passer par Saint-Denis-de-Cabanne, se diriger sur Châteauneuf et de là sur la Clayette.

(1) F. Thiollier, Le Forez, Lyon, Waltener, 1889, p. 134.


Si l'on déblayait ces ruines amoncelées au sommet du Banchet, il est à croire que l'on découvrirait des substructions faites avec ce ciment, qui défie les siècles, que les Romains seuls connaissaient, et qui seraient une preuve de leur séjour. Ces postes militaires romains devenaient, par la suite des âges, la demeure des puissantes familles qui se partagèrent nos provinces après l'invasion des Burgondes et des Francs, se créant ces fiefs héréditaires où elles régnaient en vrais potentats.

Ce vieux château démantelé couvre de ses débris le sommet du mont, quoiqu'une partie de ses pierres ait servi à construire le château actuel et la ville qui est à ses pieds.

L'on voit encore une partie de la muraille de l'immense donjon hexagonal qui dominait l'église et le bourg. Cette tour, qui avait plusieurs étages, était occupée par des salles d'armes, percées de larges meurtrières, dans lesquelles les archers se plaçaient pour lancer leurs traits. Des créneaux énormes en couronnaient la plate-forme et en défendaient les approches. Si l'on en déblayait l'intérieur on trouverait certainement ces grand caveaux, appelés oubliettes, où l'imagination populaire trouverait des débris humains, squelettes enchaînés, qui donneraient lieu aux histoires les plus terribles du despotisme féodal. Sans doute nous ne voulons pas défendre nos aïeux contre tout soupçon de cruauté ; les seigneurs qui bâtissaient ces aires de vautour n'étaient pas des colombes, comme nous le verrons dans le cours de cette histoire. Il n'est pas sans exemple qu'on ait jeté dans ces horribles prisons des créatures vivantes, mais ordinairement l'oubliette n'était qu'une fosse commune ouverte aux hommes d'armes qui succombaient dans le combat. Il était de la prudence du seigneur assiégé de faire disparaître les cadavres au lieu de les laisser s'amonceler sous les yeux des combattants, que cette vue aurait pu décourager. Il y avait de plus une sage politique de cacher aux yeux des assiégeants les pertes qu'on avait faites. On ne pouvait donc pas jeter ces corps morts par-dessus les remparts, on aurait ainsi accusé ses pertes ; et, les enterrer dans l'enceinte du château, c'était amener une contagion mortelle. Le meilleur était donc de jeter ces cadavres dans cette immense fosse, hermétiquement close, dans laquelle les corps se desséchaient, tombaient en poussière pour ne laisser que des ossements que nous pouvons y retrouver.

On découvre les vestiges de son enceinte et de plusieurs autres tours, mais en un tel état de ruines qu'il est impossible d'en rien reconstituer. Ce qui est certain, c'est que cette forteresse a subi à différentes époques les plus rudes assauts. Les Le Blanc y furent assiégés au X°, XI°, XII° siècles ; les capitaines des ducs de Bourgogne au XIV° siècle. Mais le plus terrible assaut, celui qui la détruisit à jamais, eut lieu en 1420, lorsque les Armagnacs, dans cette guerre cruelle qu'ils se faisaient avec les Bourguignons, s'en emparèrent après une lutte acharnée.

Maintenant les siècles ont passé ; arbres de haute futaie, taillis et buissons croissent à volonté au milieu de ces tours détruites, de ces souterrains effondrés, jadis salles d'armes ou sombres prisons, devenues de nos jours le séjour des reptiles.

A cet aspect on éprouve le désir de voir déblayer ces salles et ces couloirs, ce puits dont la profondeur devait être considérable, de rechercher les galeries souterraines et les vestiges des murailles d'enceinte, qui viendraient nous faire connaître l'assiette de cette ancienne forteresse. Quel attrait il y aurait à faire ces curieuses recherches qui mettrait probablement à jour des trésors enfouis, vieilles armures, morceaux d'architecture et antiques monnaies !

La ville a perdu depuis longtemps son aspect féodal ; quelques maisons portent bien encore quelqu'empreinte de fortification ou d'architecture ancienne, mais cela tend de plus en plus à disparaître. Cependant elle conserve toujours un aspect aussi pittoresque que gracieux par ses vieux murs garnis de plantes grimpantes, qui descendent sur les flancs de la colline, par ces terrassements ornés de jardins et d'arbustes verdoyants, qui s'élèvent jusqu'à son sommet pour faire à ce joli bourg un diadème de verdure.

Le nouveau château du Banchet, qui se dresse au milieu de ces grands arbres, est une belle construction gothique. De grosses tours au toit élancé ou crénelées à leur faîte, des portes aux sculptures artistement fouillées, surmontées d'emblèmes héraldiques, de jolies fenêtres à meneaux, le tout réparé par le possesseur actuel dans le meilleur goût (1), rappellent la seigneuriale résidence des la Madeleine, marquis de Ragny.

(1) M. Paul Gensoul, d'une famille lyonnaise des plus honorables.


Des terrasses qui entourent l'église et le château, la vue s'étend sur un gracieux et vaste paysage. Ce sont les vertes prairies du Brionnais et du Charollais, de nombreux villages semés dans une campagne couverte de la culture la plus variée, de frais taillis de chênes et les méandres gracieux de la rivière. Au midi et à l'ouest les collines qui bornent l'horizon semblent fuir en contours mollement infléchis, tandis qu'au nord et à l'est des montagnes plus hautes, couvertes de sombres forêts, voient s'ouvrir à leurs pieds des plaines et des vallées, qui recèlent bourgs et villages, et vont se succédant jusqu'aux monts de Saint-Racho, où Dun dresse fièrement sa tête au-dessus des autres cimes.

Les villes et bourgs environnants sont au midi, Charlieu ; à l'ouest, Saint-Maurice-lez-Châteauneuf, Ligny ; au nord, Chassigny et la Chapelle-sous-Dun ; à l'est, Chauffailles.

Châteauneuf, châtellenie, fut d'abord du bailliage royal de Mâcon, puis de Saint-Gengoux-le-Royal, et revint ces derniers siècles au bailliage et à la recette de Mâcon. Elle comprenait Saint-Laurent, une partie de Charlieu, les paroisses de Maizilly, Quincié, Mars, Saint-Denis-de-Cabanne, Chandon, Saint-Hilaire et une partie de Belmont. En 1793, Châteauneuf changea son nom, qui rappelait trop l'ancien régime, contre celui de Pont-Sornin.

La châtellenie de Châteauneuf, placée sur les limites du Mâconnais du côté du Beaujolais et du Forez, forma un territoire à part, qui appartint tantôt au Mâconnais, tantôt au Beaujolais. Au X° siècle, époque où commence cette histoire, elle faisait partie du Mâconnais et de l'apanage des vicomtes de Mâcon ; au XI° siècle elle est aux mains des sires de Beaujeu ; au XIII° siècle, elle appartient à la couronne de France, de qui elle passa aux ducs de Bourgogne pour revenir à la couronne, à la mort de Charles le Téméraire.

En 1519, François Ier fait acte de suzerain sur la seigneurie de Châteauneuf, il l'aliène, ainsi que le château du Banchet et toutes ses dépendances, à la famille de la Magdeleine. Le château actuel du Banchet, qui abrita dans le cours des siècles tant d'illustres familles, a perdu en partie son aspect guerrier, par suite des arrangements faits en vue de l'approprier au goût moderne, mais il a conservé son grand air par sa cour d'honneur, sa belle façade, ses trois tours au toit élancé et son donjon crénelé. Cette puissante tour, qui portait la cloche du guetteur, offrait par l'épaisseur de ses murailles une retraite sûre aux assiégés. En effet ses murs sont si épais que des cachettes avaient été pratiquées dans leur épaisseur.

L'histoire, qui est peut-être une légende, raconte qu'il y a quelque cinquante ans, en faisant des réparations à cette tour on découvrit une de ces cachettes oubliées. Elle renfermait encore le squelette d'un guerrier, revêtu de son armure. Si ce fait, que nous n'avons pu contrôler, est vrai, les imaginations romanesques peuvent se donner libre cours et reconstituer quelque drame terrible, comme il s'en passa souvent au moyen âge.

La cloche, dite le beffroi, que l'on nommait aussi cloche banale, servait à signaler l'ennemi, un incendie ou quelque danger ; elle servait également à convoquer les assemblées municipales, à sonner le couvre-feu et à réunir les hommes d'armes (1).

(1) Beffroi, de deux mots de langue germanique : bell et fried, cloche de la paix ou des amis (Chéruel).


L'intérieur du château renferme un grand nombre de très belles pièces et des caves spacieuses d'un abord facile. L'édifice est entouré de jardins et d'un parc fort étendu, planté d'arbres séculaires et sillonné par plusieurs petits ruisseaux, qui, au sortir des ombres de la forêt, viennent répandre la fraîcheur et fertiliser ces prairies où paissent ces vaches charolaises qui sont une des richesses du pays. Ces cours d'eau alimentent un joli étang devant la façade du château, dont les murailles devaient autrefois voir leurs pieds baignés par ces eaux contenues par de profonds fossés, qui ont laissé leurs traces.

Plusieurs écussons se font encore remarquer sur les portes du château, ils représentent les armes des différents possesseurs qui l'ont habité, et dont nous aurons à parler.

Sur certaines murailles du village l'on voit quelques écussons, dont deux bien conservés ont frappé nos regards ; ils étaient jadis encastrés dans la maison de M. Beluze. L'un représente les armes de France, il fut probablement enlevé d'une des portes de la ville où il avait été mis lorsque Louis XI redevint possesseur de Châteauneuf, en 1477. Dans l'autre, nous avons cru voir les armes mêmes de la ville de Châteauneuf : il représente deux mains en regard, l'une tenant une épée en pal et l'autre deux clés de même.

Nous serions portés à croire que la ville prit ces armes au souvenir du chapitre de Saint-Paul, qui possédait son église et dont l'écu porte : d'azur au dextrochère vêtu d'argent tenant une épée en bande de même (Steyert) ; puis pour rappeler quelque privilège obtenu du Pape ou de l'abbaye de Cluny, qui porte des clés dans ses armes, on y ajouta la main tenant les deux clés.

Armes du chapitre de Saint-Paul

En nous appuyant sur ces conjectures nous avons mis en tête de ce volume cet écusson, l'attribuant avec quelque raison à la ville de Châteauneuf, en le blasonnant ainsi : d'azur aux deux mains en regard vêtues d'argent, l'une tenant une épée en pal d'argent, l'autre deux clés adossées, l'une d'or, l'autre d'argent.

Armes de Châteauneuf en Brionnais

Tout à côté, à l'ouest, s'élève l'église, un des morceaux d'architecture les plus remarquables du Brionnais. Classée parmi les édifices historiques, elle relève du ministère des Beaux-Arts, qui ordonne et contrôle ses réparations. Il serait bien utile qu'on lui attribuât en ce moment quelque secours pour achever les travaux si sagement exécutés déjà sous la direction de M. Millet (1).

(1) En 1887, Mr Selmersheim, architecte du gouvernement, a dirigé les réparations faites à l'église et au clocher.


Comme elle mérite une description complète, nous ne croyons mieux faire pour contenter nos lecteurs, que de reproduire ici le remarquable travail qu'a fait paraître, sur ce sujet, M. Joseph Déchelette, dans l'Art roman en Brionnais, par Thiollier.

« L'église de Châteauneuf est bâtie sur un plan rectangulaire, elle se compose d'une nef étagée avec collatéraux, d'un transept sans saillie sur les bas-côtés et de trois absides précédées d'une travée de chœur. Le clocher est implanté sur le carré du transept. On a employé pour la construction le moyen et le petit appareil, notamment dans l'abside on retrouve des marques d'appareil en forme de chevrons. Certaines parties des murs n'ont cependant pour parements que des lits de moellons à assises assez régulières. Tous ces matériaux proviennent des carrières voisines de Saint-Maurice.

Porte latérale de l'église de Châteauneuf en Brionnais

Le mur de la façade occidentale est épaulé par quatre contreforts droits correspondant aux divisions intérieures ; il est percé de deux petites ouvertures latérales, placées à une assez grande hauteur et éclairant les bas côtés.

Porte de la façade de l'église de Châteauneuf en Brionnais

La partie centrale de la façade n'est point en saillie ; elle s'ouvre par une porte en plein cintre à deux rangs d'archivoltes en retraite, la première, à l'intérieur, sans chanfrein ni moulure, retombant sur des pieds droits de même profil ; la seconde, également à arêtes vives, en relation avec une couple de colonnettes engagées. Ces arcs de décharge abritent un tympan et un linteau à surface unie reposant non sur des corbeaux mais sur des demi-colonnes. Sur les chapiteaux de ces colonnettes nous avons des colombes aux ailes éployées et un sujet historié dont l'interprétation nous échappe. Une fenêtre est pratiquée dans la partie centrale du mur de la façade, non point comme à l'ordinaire, immédiatement au-dessus de la porte, mais à la hauteur de l'étagement. Son ornementation a été particulièrement bien traitée ; non seulement cette baie est cantonnée de deux colonnettes, mais elle a reçu un encadrement original formé de deux pilastres cannelés que surmonte une arcature dont l'extrados porte un gable ou fronton épaulé.

« On accède aussi dans l'église par une porte latérale, ouverte dans la troisième travée du bas-côté droit. Elle présente de curieux détails décoratifs. Le tympan est une simple dalle moderne, mais le linteau est ancien et porte la représentation du collège apostolique. Chacun des apôtres est debout sous une arcature basse, les pieds nus, le corps emprisonné comme dans une gaine par une tunique maladroitement drapée. Les chapiteaux offrent des scènes historiées ; ils sont au nombre de deux et surmontent des colonnettes en dessous d'une seule archivolte : sur celui de gauche, on voit un quadrupède et deux petits personnages dont l'un porte une crosse ; sur l'autre, un double sujet : quatre figures d'hommes debout, réunis deux à deux, séparés par des colonnettes en spirale. Le corbeau de droite au-dessous du linteau représente trois têtes de moines accolées, celui de gauche deux têtes de chevaux dont l'encolure sort d'une espèce de vasque et qui mâchent des rinceaux de feuillage. Que signifient ces sujets énigmatiques? Nous ne saurions l'indiquer, et ils demeurent pour nous à l'état de problème iconographie.

« Mais, celles que soient les scènes figurées ici, il est vraisemblable, à notre avis, que cette porte ou, tout au moins ses parties sculptées, remontent au XI° siècle, ainsi que la façade occidentale.

« Il suffit de rapprocher le linteau de Châteauneuf de celui de l'église de Charlieu, pour se convaincre que les deux œuvres sont contemporaines.

« Sur la date de construction de l'église de Châteauneuf, nous partageons entièrement l'opinion de M. Virey, qui la place dans la seconde moitié du XII° siècle. Mais, si l'édifice remonte à cette époque, quelques parties d'une église plus ancienne, notamment les deux portes, ont été utilisées...

« En examinant l'élévation latérale des nefs, nous n'aurons à signaler que la faible saillie des contreforts à glacis, qui montent sans ressaut ni empattement, saillie insuffisante pour résister à la poussée des voûtes dont la hauteur est considérable. Aussi, depuis la fondation de l'église, il a fallu, à diverses reprises, recourir à des travaux de consolidation pour en assurer la stabilité, et, malgré des réfections partielles, l'édifice ne possède pas encore toutes les conditions d'un équilibre durable.

« Le transept ne dépasse point l'alignement des murs latéraux. Chaque croisillon est éclairé d'un oculus percé dans le mur-pignon. Quant à la sacristie appuyée contre le croisillon du nord, elle a été bâtie dernièrement par M. Rothival, architecte à Charolles (1).

(1) Les plans ont été dressés et les travaux exécutés, sous la surveillance de M. Rothival, par M. Selmersheim.

« Le clocher est posé sur le carré central. C'est une robuste et élégante tour quadrangulaire, recouverte d'une pyramide en maçonnerie. Ce mode de couverture s'explique par la proximité des carrières de pierres de Saint-Maurice.

« Viollet-le-Duc le cite comme un modèle original de clocher roman bourguignon et le décrit en ces termes : « Le clocher central de Châteauneuf (Saône-et-Loire), bâti vers le milieu du XII° siècle, se compose d'un soubassement plein en moellons, avec angles en pierre, posé, suivant l'usage, sur les quatre piliers de la croisée et les quatre arcs doubleaux ; d'un étage percé d'une seule baie sur chaque face ; d'un beffroi percé de quatre baies jumelles et d'une pyramide à base carrée maçonnée en moellons avec quatre lucarnes. »

« On remarque la disposition des baies du premier étage, semblables à celles de la façade occidentale ; il y a là un souvenir des monuments gallo-romains. Ici, les angles de l'étage du beffroi sont flanqués de pilastres portant la corniche ; c'est encore un souvenir de l'antiquité romaine.

« La coupe de ce clocher laisse voir à la base de la pyramide en pierre les traces d'un chaînage en bois, sorte d'enrayure qui était destinée à arrêter le déversement des quatre murs sous la charge de cette pyramide. Il faut admirer la disposition originale des faisceaux de colonnettes qui séparent les baies jumelles de l'étage du beffroi, disposition cruciforme : les quatre colonnettes sont placées en croix laissant entre elles des ajours d'un excellent effet.

« Les constructeurs obtenaient ainsi une grande légèreté apparente en même temps qu'une parfaite solidité...

« L'aspect intérieur du chevet n'est pas moins heureux. II est formé d'une abside principale en hémicycle, flanquée de deux absidioles et d'une travée de chœur.

« Trois fenêtres sans ébrasement extérieur ajourent la grande abside, séparées par deux contreforts à section rectangulaire, celle du milieu est encadrée de deux colonnettes ; et le long du mur de l'abside on distingue les traces d'une ancienne litre funéraire.

« Dans l'élévation des absidiales nous remarquons l'élégante disposition des contreforts qui, comme dans l'église du Bois-Sainte-Marie, présentent la forme de deux colonnes, appliquées contre des pilastres et posées sur un socle élevé.

« La richesse des feuilles d'acanthe, des chapiteaux, la pureté du profil attique des bases, la sveltesse des fûts de colonnes, tous les détails de l'ornementation, en un mot, atteignent une perfection qui, d'accord avec la structure générale de l'édifice, caractérise le style de la fin du XII° siècle.

« Quant aux corniches, ce sont de larges tablettes de pierre, bordées de moulures, posées sur des modifions sculptés où l'imagination fantaisiste de l'artiste s'est donné librement carrière. Il serait trop long d'en indiquer les curieux détails.

« Intérieur. Une impression de très vive surprise saisit le visiteur archéologue qui, pour la première fois, pénètre dans ce singulier vaisseau. Il se trouve en présence d'une nef romane, avec des piliers romans dont les bases et les chapiteaux seuls présentent les caractères bien définis du gothique de basse époque. En outre, ces supports composites soutiennent un étagement dans le style du XII° siècle.

« Comment concilier ces étranges anomalies ? La réponse est facile, croyons-nous, et l'étonnement du premier examen est de courte durée, car ce problème architectural présente immédiatement sa solution complète.

« L'église de Châteauneuf offre, en effet, le très rare exemple d'une construction romane reprise en sous-œuvre trois siècles après sa fondation (1). A ce moment sans doute, la voûte centrale insuffisamment étagée ou compromise par un incendie, allumé peut-être par les hordes turbulentes qui ravagèrent le Brionnais au temps des rivalités des maisons de Bourgogne et d'Orléans, dans la première moitié du XV° siècle, menaça ruine et ses piliers subirent une dislocation qui rompit leur équilibre. Une consolidation s'imposa. On prit le parti de ne point abattre la nef, mais d'en refaire complètement les supports et les grands arcs. Ce qu'il y a d'étrange dans cette réfection, c'est que les piliers ne furent point rétablis avec la forme fasciculée et les nervures prismatiques alors en usage. On se contenta d'adopter la flore gothique pour la décoration des nouveaux chapiteaux et de profiler les bases suivant les sections polygonales alors employées. Mais les piliers conservèrent leur forme primitive, c'est-à-dire celle d'un massif quadrangulaire, renforcé d'un dosseret à angles droits sur la face du collatéral et d'une demi-colonne sur les trois autres faces. A-t-on voulu respecter l'unité du style et l'ensemble du vaisseau ? Accepter cette hypothèse serait commettre un anachronisme ; on sait, en effet, que la recherche de l'unité du style dans les travaux de restauration est un système d'invention moderne. Il est probable que l'architecte du XV° siècle n'a obéi qu'à des raisons d'économie, en utilisant les matériaux provenant de la dépose.

(1) Vers 1855, M. l'architecte Millet a repris en sous-œuvre les quatre piliers du chœur, la masse entière du cloche restant suspendu par des travaux hardis et habiles.


« Remarquons que les grands arcs ont été probablement surélevés ; leurs sommets, en cintre brisé, atteignent sensiblement la hauteur des clefs de voûte des collatéraux. Les berceaux qui recouvrent les bas côtés sont donc pénétrés par les compartiments d'arrête naissante de ces arcs ainsi surélevés.

« A quelle date eut lieu cette restauration ? En l'absence de tout document, le style des bases et des chapiteaux à feuilles frisées révélerait suffisamment un travail du XV° siècle. Mais voilà qu'une inscription confirme et précise ces inductions. Sur le premier pilier de la nef à gauche, on lit le millésime suivant, gravé en lettres minuscules gothiques :

M° CCCC°
LX° III° PA
OCTOBRIS

Millesimo quatercentesimo sexagesimo terlio, prima (die) Octobris (1).

« C'est donc en 1463 que fut réparée la nef, car il est hors de doute que cette inscription se rapporte bien à ce travail. Sur ce même pilier, on distingue les traces d'une ancienne peinture du XV° ou du XVI° siècle, représentant en demi-nature la Vierge-Mère vêtue d'un manteau blanc et d'une robe rouge et, à sa droite, un saint évêque mitre et crosse. Nous signalerons également les écussons en pierre sculptés aux armes de la Magdelaine, encastrés dans les murs collatéraux ; or cette famille était en possession de Châteauneuf vers la fin du XV° siècle (2).

(1) Cette inscription, fort difficile à lire, a été déchiffrée par M. Steyert, notre savant lyonnais si estimé.
(2) De la Madeleine : d'hermines à trois bandes, de gueules chargées de onze coquilles d'or. Puis un autre écusson de la même famille, écartelé de ses alliances. Au 1er, des de la Madeleine ; au 2°, des de Damas : de gueules à la croix ancrée d'or ; au 3°, des de Ragny : de gueules à trois bandes d'argent ; au 4°, bande d'or et d'azur, qui est de Bourgogne ancien, la famille de la Madeleine étant originaire de l'Auxois.


« Les quatre piliers de la croisée sont modernes ; ils ont été repris également en sous-œuvre, comme ceux de la nef, mais à une date récente, en 1853. C'est alors qu'eut lieu la première restauration de l'édifice, exécutée par l'Administration des monuments historiques, sous la direction de M. Millet. Quant à la coupole centrale, elle a conservé son ancienne et curieuse disposition. Etablie, selon l'usage, sur quatre trompes, elle est surélevée à l'aide d'un tambour octogone, orné d'arcatures en plein cintre avec pilastres cannelés. Chacune des quatre grandes faces de cette lanterne présente trois arcades, celle du milieu encadrant une petite baie, les deux autres, de dimensions inférieures et aveugles ; sur chaque petite face est une arcade aveugle.

« L'étagement de la nef a été décoré avec un luxe d'ornementation assez rare. A sa naissance court un double cordon à deux rangs de besants en relief qui suit le périmètre des deux murs latéraux ainsi que celui de clôture à l'occident. Au-dessus, dans chaque travée, s'ouvre de chaque côté une fenêtre à ébrasement profond dont les piédroits sont cantonnés de colonnettes, et dont quelques archivoltes sont sculptées. Un second cordon, également chargé de disques plats, est établi parallèlement au premier, à la hauteur des abaques des chapiteaux de ces colonnettes, dont il forme l'ornementation.

« La voûte est un berceau légèrement brisé, pénétré au droit de chaque fenêtre haute par un demi-cylindre transversal, formant un compartiment d'arêtes. Cette disposition résulte de la hauteur qu'atteignent les cintres des fenêtres de l'étagement. Elle est semblable à celle que nous avons signalée dans les voûtes des collatéraux.

« Ces voûtes ont été refaites en 1853 par M. Millet qui, pour en alléger le poids, a employé comme matériaux de légers tuyaux de céramique.

« Pénétrons maintenant dans le chevet.

« La travée du chœur et ses bas-côtés sont voûtés en berceau ; l'abside et les absidioles, en culs-de-four ovoïdes. Un cordon chargé de besants, à l'imitation de ceux qui ornent le pourtour de la nef, marque la naissance de la demi-coupole de l'abside centrale, où nous retrouvons suivant l'usage le système d'arcatures posées sur un stylobate continu.

« Ces cinq arcades ont pour supports de chaque côté deux colonnettes cylindriques et au centre deux beaux pilastres cannelés, sculptés d'un rang vertical de roses ou de fleurons.

« L'église de Châteauneuf est sans contredit un des monuments les plus intéressants du Brionnais parmi les édifices religieux de l'époque romane (1).

« Certaines parties de l'œuvre ont reçu une décoration d'une richesse inusitée. Partout on trouve employés les meilleurs motifs architectoniques du style roman de la dernière période, c'est-à-dire de la plus belle, puisque ce style a eu le privilège de ne pas connaître l'ère de la décadence (2). »

(1) Les Mémoires de la Société Eduenne, t. XIX, p. 223, donnent également une intéressante description de l'église de Châteauneuf. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire d'architecture, nous offre le plan, la coupe et l'élévation du clocher, t. III, p. 328-330. Et dans les Monuments historiques de France à l'Exposition universelle de Vienne, volume publié par M. du Sommerard, on lit deux rapports sur l'église de Châteauneuf. Paris, 1876, Imprimerie Nationale, p. 93-98.
(2) Nous ne pouvons nous expliquer pourquoi les architectes, qui ont réparé l'église de Châteauneuf, ont supprimé la croix romane, qui doit se trouver à la cime du clocher. Cette suppression est contraire à toute notre architecture chrétienne, elle attriste la population, qui croit y voir une intention anti-religieuse. Le désir des habitants et des archéologues est donc qu'elle soit rétablie, telle que nous la voyons sur des monuments du même genre, comme la vieille église d'Ainay à Lyon et l'antique chapelle du château de Châtillon-d'Azergues en Lyonnais.


Telle est l'intéressante description, faite par M. Joseph Déchelette, des merveilles de l'église de Châteauneuf ; la science archéologique le dispute à l'élégance du style. En la lisant on se sent pris de son admiration pour ce beau morceau d'architecture romane !

Cette église, sous le vocable de Ecclesia Sancti Pauli Castelinovi, est mentionnée pour la première fois dans une charte de Saint-Vincent de Mâcon entre 1096 et 1124 (1).

Elle appartenait à l'église collégiale de Saint-Paul de Lyon dès le XII° siècle, qui avait droit à ses revenus et à la nomination de son curé.

La collégiale de Saint-Paul jouissait d'une juste célébrité ; fondée par saint Sacerdos, oncle de saint Nizier qui fut son successeur sur le siège métropolitain de cette ville, elle comptait, au IX° siècle, vingt-quatre chanoines, qui jouissaient, à titre de bénéfices, de quarante-trois domaines, dont le tiers des revenus devait être affecté à l'assistance de douze pauvres (2). A chacune des dignités de ce chapitre et à chacun de ces canonicats étaient attribués des revenus en argent et en nature, dont les titulaires avaient la libre disposition, à la condition, cependant, de subvenir aux besoins généraux du Chapitre et d'acquitter les charges afférentes à leur prébende (3). Or, parmi les églises dont les chanoines eurent le patronage et qui devinrent le chef-lieu d'une obédience, fut cette église de Saint-Paul à Châteauneuf dans l'archiprêtré de Beaujeu. Cette obédience s'étendait sur les paroisses de Changy, de Chauffailles, de Chassigny-sous-Dun, de Tancon, de Saint-Martin-de-Lixy et de Vareilles.

(1) Raguet, Cartul. de Saint-Vincent de Mâcon. ch. 607.
(2) Polyptique de Saint-Paul. Guigues, Introd., p. VI.
(3) Id., p. VIII.


L'église de Changy avait appartenu au siège de Lyon, qui l'avait cédée à Saint-Paul vers le XII° siècle (1). Mais à quelle époque le Chapitre de Saint-Paul devint-il possesseur de l'église de Châteauneuf ? Nous n'avons trouvé aucun document à ce sujet.

Installé dans cette contrée, bientôt le Chapitre de Saint-Paul acquiert d'autres droits sur et dans les paroisses voisines de Châteauneuf. En 1236, c'est Hugues de Talanceu, qui vend au Chapitre de Saint-Paul le quart des dîmes de Saint-Martin-de-Lixy, au prix de 20 sols forts, jurant sur les saints Évangiles de respecter cette vente (juin 1236) (2).

(1) Polyptique de Saint-Paul, p. XV.
(2) Id., appendice, ch. XVI.


En 1253, seigneur Artaud de la Martorelles, chevalier du diocèse de Mâcon, vend et cède à Guigues, sacristain de Saint-Paul à Lyon, et à Pierre, chapelain de la même église, pour le service de l'autel de Saint-Jacques dans ladite église, en franc alleu, au prix de 67 livres 10 sols viennois, servis et droits sur terres, prés et bois, situés à la Martorelle (la Matrouille), sur la paroisse de Saint-Maurice, à lui appartenant : servis de 7 sols, 2 bichets de blé, 4 d'avoine, et 2 poules pour le tènement de Bernard de la Chanal ; servis de 2 sols et 1 denier fort, 2 bichets d'avoine et 2 poules pour le tènement de Robert Lorestery ; servis de 17 deniers forts, 1 bichet d'avoine, 1 poule, et une taille annuelle dans les bois, de 9 sols forts, et de 14 deniers ; le pré dit Avret, situé à Saint-Maurice, le cartel de Carandart, situé à Châteauneuf, etc. Ledit seigneur se réserve toutefois les bois nécessaires pour refaire ses maisons, si elles sont détruites par le temps ou par l'incendie.

Ledit chevalier Artaud de la Martorelle et son épouse Guigonne s'engagent à cette vente et cession par devant Guichard, official de Lyon, l'an du Seigneur 1253 (1).

En 1258, le même Chapitre acquiert des droits et servis à Châteauneuf de Jean de Noyers, chevalier, et d'Hugues de Leyne (2).

En 1263, d'Artaud de la Martorelle, le même cité plus haut, la moitié de la dîme de la paroisse de Tancon, en la châtellenie de Châteauneuf, avril 1263 (3).

En 1273, de Jean de la Palice, seigneur de Noyers, chevalier (4), divers servis.

En 1280, Guillaume, d'une noble famille, curé de Châteauneuf, cède des droits qu'il avait en cette paroisse au Chapitre de Saint-Paul. Ce doit être des droits sur l'église même et ses revenus ; en mars, ledit curé prend en fief d'Henri de Villars, chamarier de Saint-Paul, sa propre grange, appelée le Banchet, avec le pré qui y était contigu et qu'il avait cédés au Chapitre. Cet acte a pour témoins Durand et Pierre Bernous, et Thomas, curé de Chanzy (5).

(1) Archives du Rhône, fonds Saint-Paul, parchemins 7, 8.
(2) Polyptique de Saint-Paul, introd. p. XV.
(3) Id., appendice, ch. XLII. Archives du Rhône, Saint-Paul, I non classé, Châteauneuf, p. 193.
(4) Polyptique de Saint-Paul, introd., p. XV.
(5) Arch. du Rhône, fonds de Saint-Paul, non classés, Polyptique de Saint-Paul.


L'année suivante, en avril, le même curé prend la même grange du Banchet en emphytéose du Chapitre de Saint-Paul et la grève d'un cens annuel de 12 deniers, et cela, pour indemniser le Chapitre des frais et dépenses qu'occasionneront ses obsèques. L'original de cet acte est aux archives du Rhône, non classées ; il est encore revêtu de son sceau qui représente Saint-Paul debout, décapité, tenant sa tête en sa main gauche et une épée levée en la droite. Autour on lit : + S(igillum) W(illel)mi Capell(an)i C(astri)novi (1).

Ce fief de la grange du Banchet forme encore une propriété au sud-est du château et appartenant à la famille Glénard.

Quant au fief de la Martorelle, c'est maintenant la Matrouille sur la paroisse de Saint-Maurice (2). Sur ce fief, reposait encore le servis de 5 deniers forts pour l'entretien de la lampe de la Sainte Vierge, dans l'église de Châteauneuf, part de la dîme que possédait le curé Guillaume cité plus haut, et qu'il avait laissée au Chapitre à cette intention (3).

(1) Polyptique de Saint-Paul, p. 5.
(2) La Matrouille appartient actuellement à M. Beluze.
(3) Polyptique de Saint-Paul.


Le Chapitre de Saint-Paul, outre la dîme de Châteauneuf, avait droit encore à la dîme de Tancon et à sa collation à la cure, plus à celles de deux autres paroisses voisines de l'archiprêtré de Beaujeu, Saint-Martin-de-Lixy et Saint-Maurice-lez-Châteauneuf. Ces bénéfices, unis aux revenus de la Collégiale dans les paroisses de Changy, Chauffailles, Chassigny-sous-Dun et Vareilles, formaient ce que le Chapitre de Saint-Paul désignait administrativement sous le nom d'obédience de Châteauneuf qui s'étendait sur toutes les paroisses sus-nommées.

Changy, qui se trouvait dans le Roannais, n'appartenait ni au siège de Lyon, ni au siège de Mâcon, mais bien au siège d'Autun comme l'acte suivant en fait foi.

La grange du Banchet, citée plus haut, appartenait en 1286 à Aczon de Meximieux, chanoine de Saint-Paul. Il fait cette année son testament : « Ne sachant, dit-il, ce qui peut m'arriver demain, qu'il n'y a rien de plus certain que la mort et de plus incertain que son heure, je dispose de tous mes biens en l'honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ et de la glorieuse Vierge Marie. » Il choisit sa sépulture en l'église de Saint-Paul, au tombeau de son maître Dom Vincent de Châtillon, autrefois chantre de Saint-Paul, un des trois grands dignitaires du Chapitre qui se composait d'un chamarier, d'un chantre et d'un sacristain et de dix-huit chanoines. Parmi les legs pieux qu'il fait, nous trouvons : « A l'église de Saint-Paul de Lyon, je lègue VIII sols viennois de revenu annuel sur ma grange du Banchet sise à Châteauneuf pour entretenir le luminaire dans ladite église le jour de la fête de la conversion de saint Paul ; VIII autres sols viennois de cens annuel à percevoir sur la grange du Banchet, et qui seront distribués au jour de mon anniversaire fondé en cette église, à ceux qui assisteront à cette messe et à la procession qui s'y fera... » Il lègue 40 sols viennois pour acheter livres et autres objets nécessaires aux églises de Saint-Paul de Châteauneuf, de Saint-Martin, de Tancon et de Lixy, diocèse de Mâcon, et de Changy, diocèse d'Autun.

Ce testament fort intéressant comporte un grand nombre de legs pieux et fait mention de plusieurs personnages importants de l'époque. Les témoins qui signent cet acte sont : Durand de Gleteins, chanoine de Saint-Paul ; Louis de Versailleux, chanoine de Saint-Paul ; Jean de Forcis, chapelain de Saint-Paul ; Pierre Bova, chapelain de Saint-Paul ; Martin de Meximieux, prêtre, etc. Le jeudi après l'octave de saint Pierre et de saint Paul, 1286 (1).

(1) Polyptique de Saint-Paul, p. 197.


Voici encore, au XIII° siècle, appartenant à Saint-Paul, quelques servis de l'obédience de Châteauneuf :

A Saint-Martin-de-Lixy :
Cristin de Lixy VII sols et XI parisis.
Les héritiers du matriculaire de Lixy, VII sols et VI deniers.
Perret Guietains et de Jeannette, sa femme, VIII deniers sur son tènement, et IX deniers sur sa Verchère de Teil, en 1277.
La fille de Robert Coillon, IV deniers.
Berthelet de Lixy, IX deniers.
Burins, VI deniers.
Le curé de Lixy II deniers sur la Verchère de Saint.

A Fillolère (Fond Fillon peut-être) :
Etienne de la Fillolère, II deniers et I obole.
Martin Poignet et Etienne, son parent, II deniers et I obole, etc.

A Tancon :
Perret de la Ronze, III deniers et I obole.
Robert de la Ronze, V deniers.
Robert de Bec, IV deniers.
La maison de confrérie de Tancon, VI deniers.
La veuve d'Etienne de la Jayère, II deniers et I poule.
Etiennette, fille de Ferle, X deniers.
Jean, matriculaire, de Tancon, XX deniers.

A Chassigny-sous-Dun :
V sols, I bichet d'avoine et une poule.

A Montailleu (Châteauneuf) :
V sols, VI bichets de froment et VI d'avoine.
Denys Panices, IV sols parisis.
Le curé de Châteauneuf XII deniers sur sa terre du Banchet (nous avons rapporté cela plus haut).
Thomas de Crusill, IX deniers pour son bois de Cru sur la paroisse de Vareilles.
Johannin de Crusill, IX deniers pour le même bois.
Lortons, frère du dit Johannin, fils de Thomas, IX deniers pour le même bois.
Perret, frère du dit Thomas, IX deniers pour le même bois, etc.
Total, XXXIII sols parisis, I obole, VII poules, VI bichets de froment et VIII d'avoine (1).

A Châteauneuf :
V sols forts anciens de Dom Guillaume, curé, pour la dîme qu'il tient d'Humbert de la Martorelle à Martinago, et, pour servis, trois deniers forts de Lyon, un carteau d'avoine, une poule, le tout dû pour sa terre de Bachelyn (2).
Toutes ces rentes, dîmes et servis furent conservés par le chapitre de Saint-Paul jusqu'en 1642, qui les aliéna alors au seigneur d'Odour, ne se réservant que le droit à la collation des cures de ces paroisses, et dont il se départit encore par transaction du 8 avril 1645 en faveur de la famille de Damas (3), héritière de dame Odour.

Ces rentes et dîmes dépendantes de l'obéance de Châteauneuf ont été vendues par le chapitre de Saint-Paul au seigneur d'Odour, par acte reçu par M° Royer, en 1642, et la réserve de droit de présentation et collation des cures dépendantes de cette obéance, le 8 avril 1645 (4).

(1) Polyptique de Saint-Paul, p. 4.
(2) Id., p. 90.
(3) Id., XV.
(4) Arch. du Rhône. Obéance Saint-Paul, à Châteauneuf. Arm. 3, N° 2.


En 1693, le curé Hiérôme de Pernes vient augmenter les revenus de l'église par la fondation de son anniversaire. Hiérôme de Pernes, curé de Saint-Paul-de-Châteauneuf, par testament, élit sa sépulture dans l'église de Châteauneuf, vis-à-vis du grand autel, sous une grande pierre tombale qu'il a fait placer et sous laquelle on trouvera une fosse creusée dans le roc, mais actuellement remplie de terre.

Il laisse à l'église des habits sacerdotaux. « Un grand tableau représentant la sainte Vierge tenant son Fils, entourée de saint Jérôme et de saint Joseph. Ce tableau devra être placé sous la fenêtre qui regarde le chœur, dans la chapelle de la sainte Vierge (1).

« Ordonne de faire peindre par un bon maître de Lyon, une image de la Vierge tenant son Fils, de 3 pieds et demi de haut ... Cette image sera dorée à l'exception des mains et du visage ! sur le piédestal, il sera écrit en lettres d'or bruni : Mater Misericordiae. » De même il fonda une messe de mort perpétuelle ; fait divers legs aux pauvres de Châteauneuf, Tancon et à l'évêque de Mâcon ; laisse divers volumes et cartes à M. Claude Peguin, juge châtelain royal de Châteauneuf, ainsi qu'un tableau. Son héritière universelle est Catherine Pernin. Le 1er janvier 1693.

Les témoins qui signent à ce testament sont : Honnêtes Claude et Jean Janvier père et fils, marchands de toiles tissées à Châteauneuf ; sieur Antoine Décligny, maître apothicaire ; honnêtes Léonard Verand, Claude Ducarre et Jean Déal, marchand de toiles, et Jean Caboux, maître charpentier à Châteauneuf (2).

(1) Ce tableau est encore dans l'église de Châteauneuf, mais le saint Joseph a été remplacé par un autre personnage, sainte Catherine ; l'héritière universelle du curé se nommant Catherine.
(2) Arch. Châteauneuf, non classées.


Il est à regretter que le cimetière, si bien placé devant la porte de l'église, ait été abandonné et transporté en dehors du bourg. Dans les siècles de foi qui nous ont précédés, nos pères aimaient à dormir de leur dernier sommeil autour du sanctuaire où chaque jour de fête, en se rendant aux offices, parents et amis pensaient à eux et offraient une prière pour le repos de leur âme. Qu'il offrait un aspect poétiquement religieux, ce champ de repos placé entre l'église et le presbytère en ce lieu élevé et dominant la ville ! Ses tombes paraissent déjà bien abandonnées ! Une de ces pierres tombales nous a paru digne d'être mentionnée :

PASSANT, FIXE ICI TES REGARDS
ET PRIE POUR FRANÇOIS ALIX AINE,
PROCUREUR DU ROI DE CE LIEU,
DÉCÉDÉ LE 17 SEPTEMBRE 1777

Nous retrouverons cette famille qui jouissait à Châteauneuf d'une certaine honorabilité.

Châteauneuf fit partie de l'archiprêtré de Beaujeu, comme nous l'indique le Pouillé du diocèse de Mâcon jusqu'au XVII° siècle (1). Mais alors il en fut détaché et fit partie de l'archiprêtré de Charlieu, qui était devenu la ville la plus importante de la région. Cet archiprêtré se composait de Charlieu, Saint-Paul-de-Châteauneuf, Saint-Maurice-lez-Châteauneuf, la Chapelle-sous-Dun, Chassigny, Baudemont, Chauffailles, Coublanc, Fleurie, Ligny, Mussy, Saint-Igny-de-Roche, Saint-Laurent en Brionnais, Varennes-sous-Dun, la Clayette, Tancon, avec annexe au bailliage de Semur par Iguerande, Jonzy, Maillié et Saint-Julien de Cray (2) ; et cela jusqu'à la Révolution française.

(1) A. Bernard. Cart. de Savigny, p. 1046.
(2) Arch. Châteauneuf.


A la reconstitution des diocèses, Châteauneuf attaché au canton de Chauffailles, fit partie de l'archiprêtré de cette ville, comme il l'est encore aujourd'hui.

L'église de Châteauneuf, depuis huit cents ans qu'elle existe, devrait être en ruines, mais sa construction solidement exécutée et d'habiles réparations faites dans le cours des siècles, l'ont conservée en un assez bon état. Elle eut à subir en diverses circonstances un sort commun avec la forteresse dans l'enceinte de laquelle elle se trouvait renfermée. Les murs intérieurs portent encore les traces des incendies qui la dévastèrent, soit en 1420, soit à l'époque des guerres de religion où les Huguenots ravagèrent cruellement ces contrées. Elle fut réparée, entre autres fois, par le curé Nompère, vers 1730, puis, le 8 fructidor an X, le registre municipal fait mention d'un devis de réparation des voûtes, des vitraux et du cimetière, sous le maire Alix (1), et enfin en 1888, sous la direction de M. Selmersheim et de M. Gensoul, alors maire.

(1) Arch. Châteauneuf, Mairie.


En 1645, les de Damas, héritiers de dame d'Odour, possédaient, de par une transaction nouvelle avec le Chapitre de Saint-Paul, « les dismes de l'obéance de Châteauneuf » et la nomination aux cures de cette obédience. Parmi ces cures figurait celle de Changy ; or, en 1714, ledit seigneur Gilbert de Damas déclare par-devant les conseillers du roi, notaires soussignés, qu'il se désiste et départ purement et simplement de tout droit de nomination et de présentation dont il pourrait avoir droit sur la cure de Changy-en-Charollais. Comme cette paroisse faisait alors partie du diocèse d'Autun, il se départ simplement, se réservant toutefois tous les droits qu'il a sur Tancon, Saint-Maurice, Saint-Martin et Châteauneuf (1), 15 septembre 1714. Ce n'est pas qu'il n'eût le titre de ses droits puisqu'il le produit le 28 octobre 1714 à M. Nivière, chanoine de Saint-Paul (2).

Une vente de la même année, par laquelle Gilbert de Damas vend au sieur Poyet Jean, architecte et entrepreneur à Lyon, cinq domaines appelés Le Simonet, le Champ, Plagavie, la Motte et Roche, situés sur la paroisse de Tancon, nous apprend que les chanoines de Saint-Paul avaient cédé leurs droits sur les cures ci-dessus nommées moyennant une somme annuelle de 6720 livres. Les cinq domaines furent vendus 18.000 livres payables en cinq ans entre les mains de messire de Damas ou de sa sœur, Mme Jeanne de Damas ou de ses procureurs (3).

(1) Arch. du Rhône, fonds Châteauneuf, char. 3.
(2) Id.
(3) Id.


Par cette vente, ledit acquéreur devait sur le prix verser 5340 livres aux chanoines de Saint-Paul pour arrérages ou rentes dues par le sire de Damas à cette époque. Aussi, le jeudi 23 août 1715, se réunit le Chapitre de l'église collégiale de Saint-Paul à Lyon, composé de nobles : MM. Jean-Baptiste Collière, chantre ; Jean Perrichon, sacristain ; Pierre Bernard, Antoine Myvière, François-Marie Broces, Constant d'Ambournay, Jean-Baptiste Mercier, Denis Mallet, Laurent Alexandry, Pierre-François Volpe et Charles Ferrary, pour faire lecture d'une quittance passée par M. Denis Mallet, chanoine, courrier de ladite église, par-devant Chalamel, notaire, le jour d'hier à sieur Jean Poyet, architecte, de la somme de cinq mille trois cent quarante livres, pour ce qu'il devait en l'acquit de messire de Damas, chevalier, seigneur de Vertpré, héritier de Mme d'Odour, pour la rente faite à la dame d'Odour des dismes et autres de l'obéance de Châteauneuf dépendant dudit Chapitre (1).

Ces dismes qui, dans le principe, avaient été établies pour faire vivre le curé de la paroisse, se trouvaient depuis longtemps éloignées de leur but, car bien souvent le curé qui desservait le culte en était réduit à une part bien insuffisante à son existence. En 1656, le curé de Saint-Maurice était en proie à une véritable misère, au point que sa situation est l'objet d'un nouvel arrangement pour augmenter sa portion congrue, qui était tout à fait trop minime (2).

La paroisse voisine, Saint-Martin de Lixy, fut cause d'une requête du même genre de la part du comte Etienne de Drée, alors seigneur de Vertpré, 1689. Il demande aux Etats du Mâconnais qu'on trouve les fonds nécessaires pour rétablir la maison curiale en ruine de cette paroisse (3).

(1) Arch. du Rhône, fonds Châteauneuf.
(2) Arch. S.-et-L. H. 165.
(3) Id., 767.


Le curé de Châteauneuf était mieux partagé ; en 1620 apparaît une sentence confirmant à Jean Décligny, curé de Saint-Paul à Châteauneuf et à ses successeurs le droit de percevoir la moitié de toutes les oblations et concessions qui se feront en l'église de Tancon, aux temps de Carême, Avent, Rogations et Fêtes des Trépassés, comme aussi le quart des droits de toutes les sépultures qui se feront en ladite église et en tout temps à l'exception de celles des enfants non âgés d'un an. Par la même sentence était obligé le curé de Tancon ou son vicaire à venir assister en habit de chœur aux vêpres, matines, et autres heures canoniales qui se diront dans l'église de Châteauneuf à chaque fête principale de Dieu, de la Vierge et des Saints, sous peine de 5 livres d'amende (1).

Faut-il inférer de là que l'office canonial se chantait tous les jours de l'année dans l'église de Châteauneuf ? Nous pensons que cet office ne se disait qu'aux grandes fêtes et lorsque quelque chanoine de Saint-Paul s'y trouvait à demeure.

C'est comme dépendant de l'obéance de Châteauneuf que cette clause fut stipulée ; dès le XIII° siècle, la dîme de Tancon appartenait au Chapitre de Saint-Paul qui en cède la moitié en 1263 au sire Artaud de la Martorelle, chevalier, qui la prend en fief pour la rente annuelle de dix livres viennois (2).

Fondations.

Le 18 décembre 1701, Claudine de Montchanin, veuve de Bonaventure Ducarre, fait, en faveur de l'église de Châteauneuf, une fondation de 60 livres au capital et de 3 livres de rente. Fondation contrôlée à Châteauneuf le 1er janvier 1702 (3).

(1) Arch. Châteauneuf, non classées.
(2) Arch. du Rhône, fonds Saint-Paul, Châteauneuf, 193.
(3) Arch. Châteauneuf, non classées.


Quels étaient les revenus de la cure de Châteauneuf au XVIII° siècle ? La déclaration du curé, Antoine Nompère, en juillet 1728, vient nous les faire connaître.

Cette déclaration faite à Charlieu pour satisfaire à la demande de l'Assemblée générale du clergé de France, du 12 décembre 1726, est conçue en ces termes :

« 1° Ledit curé déclare que l'église de la paroisse de Châteauneuf est située en Mâconnais ; qu'elle a environ cent communiants ; que le nominateur à la cure est M. le comte de Damas, seigneur de Vertpré, à qui le chapitre de Saint-Paul a cédé ses droits ; qu'elle est sous le vocable de l'apôtre saint Paul, et qu'elle possède les biens et revenus suivants :
« Un pré, situé à Châteauneuf, auquel est jointe une mauvaise terre, de la contenance de sept mesures, borné au matin par le chemin tendant du village Angelin au Montet, au midi par une des terres du Banchet, au soir par une petite terre inculte du château, et au nord par l'étang dudit château et une terre du domaine du Montet...
« 2° Une terre à chanvre, située à Châteauneuf, de deux coupes, bornée au matin par un toral à Pierre Sabatin, au midi par le même toral inculte, au soir et au nord par le grand chemin tendant de Châteauneuf à Charlieu et le jardin dudit Sabatin... »

Revenus non affermés.

I. La dîme de la paroisse de Châteauneuf, dîme très petite, l'église de Châteauneuf n'ayant que deux domaines, qui appartiennent à S. A. Mademoiselle la princesse de Lorraine, dont le plus gros avoir, le Banchet, a ses principales et meilleures terres dans la paroisse de Tancon que le curé de Châteauneuf ne dîme point ; et deux petits héritages et quelques petits affermages formant à peine un domaine avec quelques cheneviers. Tout le reste de la paroisse ne consistant qu'en bois à ladite Altesse. Cette dîme s'élève, en seigle, la seizième gerbe sur quinze ; en froment, la dix-septième sur seize ; en chanvre la vingt-cinquième poignée sur vingt-quatre. Les autres petits grains ne se dîment pas...

II. Plus la moitié d'une portion de dîme appelée Popet, située à Saint-Maurice, que le curé de Châteauneuf partage avec l'abbé de Saint-Rigaud, qui loue sa portion 59 livres ; ce qui représente pour le curé de Châteauneuf 59 livres. Ladite portion se lève, en froment la quatorzième gerbe, en seigle et fèves, la treizième ; le vin, la treizième benne ; le chanvre la vingt et unième poignée.

III. Novales..., point.

IV. Portion congrue..., point

V. Rente foncière.

La somme de 29 livres annuelles payées par Antoine Polosse de Tancon, hypothéquée sur son pré appelé Lafont, au village de la Cornerie, paroisse de Tancon...

Les revenus du curé de Châteauneuf à cette époque se montaient à 156 livres, 10 sols ; plus les fondations ou rentes obituaires ci-dessous ; ce qui avec les charges adhérentes ne suffisait pas à le faire vivre. Ce fut alors que dame Hyppolithe de Gondy, marquise de Ragny, lors dame de Châteauneuf, ordonna à son héritière, dans son testament, du 26 juin 1643, de payer chaque année audit curé de Châteauneuf, 50 écus, jusqu'à ce que ladite héritière eût fait avoir audit curé une portion congrue. Mais cette portion congrue, ni ladite héritière ni les autres seigneurs de Châteauneuf, n'ayant pu l'obtenir audit curé, ils se sont trouvés ainsi obligés de lui payer annuellement ladite rente de 50 écus, que Son Altesse Madame la princesse de Lorraine, aujourd'hui dame de Châteauneuf, paye audit curé. Plus la somme de 15 livres, payée annuellement par ladite princesse de Lorraine audit curé, conformément au testament de défunte dame de Gondy, pour le service d'un prêtre à l'hôpital de Châteauneuf.

VI. Rentes constituées à prix d'argent, point.

VII. Rentes obituaires ou fondations.

1° 6 livres, 2 sols, fondation Pierre Déal et Claude Troncy, du 2 juin 1628, pour douze messes annuelles à 10 sols.
2° 2 livres, 12 sols, dues par Michel Poyet, de Tancon, fondation de sieur Antoine Boyer, du 13 septembre 1623, pour dire tous les dimanches à haute voix un Salve Regina et un Libera me.
3° 4 livres, payées annuellement par Son Altesse la princesse de Lorraine, acte du 31 juillet 1641, pour que le curé soit obligé de dire annuellement deux messes et deux Libera me. La rétribution de chaque messe est de 10 sols.
4° 6 livres, 5 sols, de la fondation de Claude Sabatin de Châteauneuf, à dire douze messes annuelles.
5° 8 livres de la fondation Bonaventure Ducarre, du 30 septembre 1667, à dire quatorze messes annuelles et un Libera me, au premier dimanche de chaque mois. Ainsi réglé et arrêté par Mgr de Colbert, évêque de Mâcon, le 25 mai 1672.
6° I livre, fondation Jérôme de Pernes, curé, pour une messe annuelle et un Libera me.
7° I livre, 10 sols, fondation de Jean-Pierre Janvier, du 12 juin 1712, pour trois messes annuelles et trois De profundis.
8° 6 livres, fondation d'Antoine Imbert, du 6 septembre 1713, pour douze messes annuelles.
9° 10 livres, fondation de Michel Pernin de Châteauneuf, du 29 janvier 1715, pour vingt messes et douze Libera me.

VIII. Legs et donations entre vifs, point.

IX. Casuel, année commune, 6 livres.

Charges du curé :
1° 4 livres 5 sols dues annuellement à la princesse de Lorraine, à raison de l'asservissage d'une maison près de la cure, dite Morestin.
Asservissage fait par le curé de Châteauneuf, Aimé Jal. Cette maison est pour servir d'écurie, bûcher et fournier.
2° Pour l'entretien de cette maison et de la cure, 20 livres annuelles.
Le soussigné Antoine Nompère, curé de Châteauneuf certifie vraie et conforme aux pièces la présente déclaration, faite d'après les ordres de l'Assemblée générale du clergé de France, du 12 décembre 1726. Déclaration déposée entre les mains du syndic du diocèse de Mâcon, avec la nomenclature ci-dessus. Le 12 décembre 1728 (1).

(1) Arch. Châteauneuf, série S, chart. 7.


On ne fait pas mention de la fondation de Pierre de Marchais, de 1369, qui avait dû être supprimée avec le temps. Nous la donnons ici à titre de renseignement.

Fondation d'anniversaire 1369. Testament de Pierre de Marchais (de Mercato), bourgeois de Châteauneuf. Il veut qu'il soit célébré dans l'église de Châteauneuf, chaque année, vers l'anniversaire de sa mort, douze messes pour le salut de son âme et celles de ses ancêtres et cela par le curé ou son vicaire. Il lègue pour cela et pour chaque messe 2 sols tournois forts. Et au cas où le curé ne voudrait pas ou négligerait de la célébrer, il veut que ses successeurs les fassent dire par douze prêtres qui chanteront l'office dans l'église de Châteauneuf pour le repos de son âme et de ses ancêtres, et qu'il sera donné à chacun de ces prêtres 2 sols tournois pour chaque messe par son héritier. Il affecte pour cette somme les revenus de son domaine de Fay, sur la paroisse de Chassigny, sur lesquels on prélèvera 24 sols tournois.
De plus il donne à perpétuité aux églises de Châteauneuf, Tancon, Lixy et Saint-Maurice 14 deniers parisis de cens que lui doivent les héritiers de Jeoffroy de Laval ; à savoir à l'église de Châteauneuf, 4 deniers, à celle de Tancon, 4 deniers, à celle de Lixy, 3 deniers, ainsi qu'à celle de Saint-Maurice..., l'an 1369, le jeudi après la fête de saint Hilaire (1).

(1) Archives de Châteauneuf, série P, ch. I.


Les douze prêtres mentionnés ici devaient sans doute, par un autre acte que nous ne possédons pas, assister à son anniversaire et venir des villages voisins, mais cela ne prouve pas qu'ils fussent douze prêtres demeurant à Châteauneuf et formant chapitre, comme l'affirme une note au verso de l'acte, copie très ancienne du parchemin.

Le chapitre de Saint-Paul avait possédé depuis un temps immémorial le droit de nomination aux cures de l'obéance de Châteauneuf. D'où lui venait ce droit ? Peut-être d'une donation seigneuriale vers le XI° siècle, époque où bien des seigneurs s'étaient emparés de ces privilèges qui appartenaient de droit à l'Eglise ; ou par donation épiscopale, les évêques alors confiant volontiers ce droit aux abbayes, chapitres et collégiales à condition de prendre la charge des âmes ou service paroissial.

Plus tard, cet état de choses se modifiant, les chapitres et abbayes ne voulurent pas renoncer aux fruits et revenus attachés à ces cures par de généreux fondateurs. Pour garder ces bénéfices ils trouvèrent un moyen, qui, tout en leur enlevant le ministère pénible et laborieux du service religieux, leur laissait toucher les dîmes ou redevances attachées à chaque église. Ce fut de garder le droit de nomination à la cure, déléguant leurs pouvoirs à un prêtre choisi par eux, qui prenait le titre de vicaire perpétuel ou chapelain, ils se réservaient le titre de curé primitif ou major. Le véritable curé était donc le décimateur ; à lui incombait le soin d'entretenir l'église, d'y faire les réparations nécessaires et de fournir la sacristie de linges et d'ornements.

Il devait également pourvoir aux honoraires du vicaire perpétuel, et ce traitement, parfois insuffisant, était appelé portion congrue.

Nous croyons que ce ne fut que du jour où le chapitre de Saint-Paul céda ses droits de nomination aux de Damas que le curé de Châteauneuf porta le titre de curé major.

Le plus ancien curé connu de Châteauneuf est le curé Guillaume, en 1280 ; nous en avons parlé comme d'un insigne bienfaiteur de cette église et du chapitre de Saint-Paul.

Nous ne les connaissons plus jusqu'à Jehan Décligny, d'une famille de Châteauneuf, que nous trouverons citée plusieurs fois, il fut curé de 1618 à 1633. Le prêtre Turrin, de 1634 à 1663. Anthoine Janvier, de 1664 à 1669. Pierre Tinet, de 1670 à 1671. Le prêtre Aimé Jal, du 6 février 1671 à 1674. François Décligny, de 1675 à 1684. Jérôme de Pernes, du 12 novembre 1685 au 11 novembre 1692. François de la Ronzière de la Douze, de 1693 à 1707. Laurent Chamoux, de 1707 à février 1710 (1). Antoine Nompère (de Champagny), du 5 octobre 1711 à 1734. Il fit de grandes réparations à l'église en 1730, et reçut cette même année, de M. Colin, grand vicaire de Mâcon, l'autorisation d'élever et de bénir la croix en pierre, qui est dans le cimetière devant l'église (2), cette croix y est encore. Guillaume Courdon succéda au curé Nompère, en 1734 ; le 20 avril il se fait délivrer l'acte notarié, qui atteste que le curé Nompère avait fait renfermer en un buffet de l'église tous les papiers et titres de la cure et de l'église (3). Il meurt en 1750, après avoir déposé une requête pour obtenir des réparations à son presbytère (4).

(1) Laurent Chamoux était fils de Laurent Chamoux, procureur en son vivant au bailliage de Semur, ce procureur meurt le jour de Noël en 1708, et est enterré en l'église de Châteauneuf devant l'autel de Notre-Dame, par Etienne Auboyer, curé de Saint-Maurice.
(2) Arch. de Châteauneuf.
(3) Id.
(4) Arch. de Saône-et-Loire. C. 302.


Pierre Devaux est curé major de 1750 au 22 mars 1755. Le curé Sabatin lui succède, du 18 avril 1755 au 14 octobre 1763. Gabriel Bruel, de décembre 1763 au 27 octobre 1780.

Le curé Antoine Ducray, nommé en 1780, était encore chargé de la paroisse en 1790, il prête serment à la Constitution, ce qui ne l'empêche pas d'être jeté en prison en 1793.

Lorsque la France, lasse d'impiété et de désordre, vit rouvrir les églises au culte catholique, le premier curé légitime à Châteauneuf, dans cette vieille église que la Révolution avait cependant respectée, fut Claude-Augustin Condemine, de 1801 à 1819. Il répara les désolants ravages que l'impiété avait faits dans les âmes et remit le culte en honneur. Après lui, la cure resta vacante près de trois ans, par suite du manque de prêtres et le sieur Duvernay, curé de Saint-Maurice, fit le service religieux.

Puis, le 17 mai 1822, on vit arriver comme desservant un homme, qui, pendant les premières années de la Révolution, s'était fait remarquer par ses idées avancées. Laurent Deruol, qui avait fait partie de la Commission administrative de Pont-Sornin (Châteauneuf), en 1793, qui fut membre de la Commission nommée pour la recherche et la destruction des objets du culte, qui travailla à la démolition des croix restées debout, cet homme fut choisi par Dieu pour venir au milieu de ses concitoyens brûler ce qu'il avait adoré et adorer ce qu'il avait brûlé, heureux de réparer les scandales qu'il avait donnés aux habitants de cette contrée.

C'était un homme de loi, érudit, que les horreurs et les sottises de la grande Révolution avaient ramené à de plus saines idées. Dégoûté, il avait, depuis plusieurs années, refusé toute participation au pouvoir municipal et s'était consacré à instruire la jeunesse à Saint-Maurice, où il était maître d'école. Il était fils de Laurent Deruol, venu de Lyon à Châteauneuf, vers 1780 ; nous savons par un acte du 10 octobre 1792, acte de donation par Laurent Deruol père à Laurent Deruol fils que ce dernier était ex-religieux, sa mère était demoiselle Marianne Montgolfier, d'Annonay, d'où les Deruol étaient originaires.

L'évêque d'Autun, qui cherchait à reconstituer son diocèse, ayant eu connaissance des capacités et du dévouement de cet instituteur, l'engagea à entrer au grand séminaire pour y faire un peu de théologie, afin de lui confier l'administration d'une paroisse par la suite. Après quelques mois d'étude, il était appelé à la prêtrise et ses lettres d'ordination étaient signées le 2 janvier 1801, par le grand vicaire, Etienne de Vichy. Nous ne savons quels furent ses postes jusqu'en 1822, époque où il fut nommé à Châteauneuf, appelé par les désirs de ses concitoyens (1).

(1) Arch. de Châteauneuf, Mairie.


Ce fut un curé plein de zèle pour le salut des âmes et pour les intérêts de sa paroisse. Ses relations devinrent des plus amicales avec les anciens seigneurs du Banchet, les de Drée, de qui il obtenait de nombreux secours.

Puis le 1er mars 1827, il faisait son testament, que l'on conserve encore aux archives de Châteauneuf. Il recommande son âme à Dieu, dont il implore l'infinie miséricorde par l'intercession de la Sainte Vierge Marie et des Saints. Voulant fonder une école de filles, il lègue pour cela à deux religieuses d'une communauté approuvée par le gouvernement et envoyées à Châteauneuf par leurs supérieures canoniques, la jouissance et le revenu de sa maison sise à Châteauneuf, de ses bois taillés sis à Ligny et de son pré sis à Tancon ; à la charge d'instruire les enfants de Châteauneuf et des environs, de leur donner l'instruction religieuse, et de faire les fonctions de sacristines. Il lègue la propriété desdits bois, pré et maison à la commune de Châteauneuf, et pour leur entretien les rentes dues par les mariés Lorton et Cherpin ; Dechizelle et Chaulier ; Devaux et Brouard, tous de Saint-Maurice. Après avoir légué le mobilier nécessaire aux deux religieuses, il donne à l'église de Châteauneuf un calice en argent, des ornements sacerdotaux, du linge de sacristie, etc., à la charge de dire tous les ans une messe pour le repos de son âme, pendant l'octave de l'Assomption. De plus, pour assurer le service du culte, il lègue aux deux premiers chantres de l'église et à deux jeunes garçons des familles les plus pauvres du bourg, à perpétuité et à se partager annuellement par égale part, la somme de 100 francs, à la charge pour lesdits chantres de chanter les offices du dimanche et des fêtes chômées ... (cette clause n'est plus exécutée, la rente ayant cessé). Il lègue 50 francs de rente à la sage femme, qui veillera aux accouchements à Châteauneuf ; elle devra accoucher gratuitement les femmes pauvres déclarées indigentes par un certificat du maire ou du curé... »

Le curé Deruol mourait, le 20 mai 1827, d'une manière assez tragique. Il aimait à dire son bréviaire sous les beaux ombrages qui entourent le château ; un jour qu'il était ainsi à réciter son office sur les bords de l'étang, comme il avait la coutume de dire à genoux certaines parties de ses Heures, il ne remarqua pas qu'il était trop près du bord et glissa dedans sous les yeux de la châtelaine qui se trouvait à sa fenêtre. L'on vint bien vite à son secours, mais ce bain forcé l'avait glacé et il mourut quelques heures après.

Outre la paroisse de Châteauneuf, l'abbé Deruol avait à desservir les paroisses, alors peu important, de Tancon et de Saint-Martin-de-Lixy, aussi devaient-elles participer aux frais de logement de leur pasteur, Tancon pour la somme de 78 fr. 25 et Saint-Martin-de-Lixy pour la somme de 58 fr. 75 (1). Le curé de Châteauneuf continue toujours à desservir Saint-Martin-de-Lixy ; quant à Tancon, c'est devenu un gros bourg, qui a son desservant. Ces deux paroisses ne paient plus l'indemnité pour le logement du curé.

(1) Arch. de Châteauneuf, Mairie.


Avant la Révolution, Saint-Martin-de-Lixy avait son desservant, et l'on trouve encore aux archives de la sacristie de cette paroisse les noms de ses derniers curés, Joseph-Philippe Patel et Manin.

C'est l'abbé Cucherat qui succéda au curé Deruol, en 1827, jusqu'en 1841. Le curé Nevers vint alors et fut remplacé par l'abbé Félix Guittet, qui mourut en 1855. Claude Noirard, homme aimable et bon, lui succéda, le 16 septembre 1855, et mourut le 27 septembre 1889, emportant les regrets de ses paroissiens. Le Ier décembre 1889 arrivait l'abbé Vachia, M.-J.-L., chanoine de Nazareth et de Tibériade, chevalier de l'ordre pontifical du Saint-Sépulcre. Il resta curé de Châteauneuf jusqu'en 1894, il alla alors habiter Mâcon pour se livrer à la prédication.

Depuis ce jour, Châteauneuf est resté privé de desservant jusqu'au Ier juillet 1895, où l'évêque d'Autun, Mgr Perraud, a enfin envoyé un nouveau pasteur, M. l'abbé Jacques-François Lachaud, vicaire à La Clayette, qui a su, dès son arrivée, se conquérir toutes les sympathies.

Confrérie du Saint-Sacrement.

Les archives de la sacristie de Châteauneuf contiennent les titres et papiers concernant cette confrérie ; cependant plusieurs ont été égarés à la mort du curé Janvier.

La confrérie du Saint-Sacrement fut établie à Châteauneuf, le 18 avril 1664, sous le curé Anthoine Janvier ; elle fut approuvée de nouveau, en 1750, par lettres patentes de M. Colbat, grand vicaire de Mâcon, qui atteste que ladite confrérie avait été reconnue par un de ses prédécesseurs, à la demande du curé Nompère, en 1734.

Elle fut établie dans le principe par un bon père capucin, qui était venu prêcher les Pâques, en avril 1664. Le curé Janvier, de concert avec lui, et quelques principaux habitants, tels que messire Gaspard du Bost, seigneur du Moulin, et les sieurs Antoine Décligny et Bonaventure Ducarre, en rédigèrent les statuts. Parmi ces papiers et titres, on y voit : 1° le livre des statuts et règlements de ladite confrérie ; 2° le registre des noms des confrères du Saint-Sacrement ainsi que des sœurs ; 3° requêtes présentées et approuvées au sujet de la confrérie ; 4° registres qui donnent les procès-verbaux des élections d'officiers et reddition des comptes depuis le 8 mai 1712 ; 5° bénéfices attachés à la confrérie. Toutes ces pièces furent inventoriées en 1734, le 20 avril, par le notaire royal de Châteauneuf. Cet inventaire fut fait en présence de tous les habitants et confrères de ladite confrérie du Saint-Sacrement... Devant eux, ces titres furent renfermés dans l'église de Châteauneuf en un buffet placé à côté du maître autel à droite, fermant à serrure Varvel, une barre traversant et cadenas. En présence de Joseph-Benoît Verchère, notaire royal, sieur Gabriel Chevalier, bourgeois, messire Claude de La Coste, procureur, sieurs Jean Déal, Michel Pernin, Pierre Joly, Benoît Alix, François-André-Etienne Chevalier ; messire Etienne Chasserot, huissier royal, sieurs Antoine Fonteret, Pierre Joly fils, Jacques Déal, Etienne de La Coste, Jean Janvier...

La décharge donnée par lesdits habitants au curé Nompère a été signée en présence de messire Jacques Duperron, curé de Saint-Martin-de-Lixy, de Charles Constantin, habitant dudit lieu et de Benoît Deschizelle, praticien de Saint-Maurice, témoins requis qui ont signé.

L'expédition de cette pièce a été délivrée en faveur de messire Guillaume Courdon, curé major, qui succéda au curé Nompère en 1734 (1).

(1) Arch. de la sacristie Châteauneuf.


Hôpital de Châteauneuf.

L'hospice ou l'hôpital de Châteauneuf fut fondé au XVII° siècle par dame Hyppolithe de Gondy, dame de Châteauneuf. Issue de l'illustre famille des de Gondy, aussi célèbre par sa grandeur que par sa charité qu'inspirait saint Vincent de Paul, l'ami de cette maison, dame Hyppolithe avait épousé Léonor de la Madeleine, marquis de Ragny, seigneur de Châteauneuf.

Dans son testament, daté du 26 juin 1643, il est dit : «Je veux aussi que l'on fasse à Châteauneuf une maison de charité pour recevoir les pauvres qui seront malades et qui n'auraient point de retraite ; que tant qu'ils seront malades on les nourrira de pain blanc, de viande et de vin ; qu'il y ait une femme pour les garder et soigner, qui aura 15 livres de gages, et un prêtre ou le curé du lieu qui en aura autant pour les confesser, les communier dès le lendemain de leur entrée ; qu'il sera pris de mes meubles du château pour meubler ledit hospice, à savoir : six bois de lit, autant de matelas, chevets et paillasses, douze couvertures, six paires de linceuls (draps), six douzaines de serviettes, six tabliers et quelques petits meubles de cuisine. Donnant, pour la fondation annuelle de ladite maison, la somme de 200 livres par an et 600 livres une fois payées. Il sera acheté une maison capable de remplir les conditions de pareilles maisons de retraite pour les pauvres. Elle sera pour tous les pauvres de nos terres de ce pays. S'il arrivait qu'il se passa une ou plusieurs années sans y avoir de pauvres, le revenu sera employé à mettre quelque pauvre garçon ou pauvre fille en métier pour leur apprendre à gagner leur vie (1). »

(1) Arch. de Châteauneuf, Série S, n° 3.


Heureuse époque où l'on pouvait prévoir un tel cas !

Toutes ces recommandations sont faites à sa fille, son héritière, Paule-Françoise-Marguerite, mariée à messire François-Emmanuel de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières. Celle-ci, devenue veuve, par une transaction du 19 juillet 1704 et comme héritière de son fils, Jean-François-Paul de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières, pair de France, par forme de partage et d'accommodements, cède la terre de Châteauneuf à très haut et très illustre, Mgr Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, etc., et à sa femme, très haute et très illustre princesse Calonne de Minfialle, héritière en partie de Jean-François-Paul de Créquy. Elle rappelle a ladite princesse l'obligation qui repose sur la terre de Châteauneuf de solder les 200 livres de rente annuelle à l'hôpital (1).

(1) Arch. de Châteauneuf, Série S, n°4.


A leur tour, le 3 mars 1748, Charles de Lorraine et dame Charlotte, sa femme, héritiers de la dame d'Armagnac, en vendant la terre de Châteauneuf à messire Etienne de Drée, déclarant que ladite terre est grevée d'une charge de 200 livres à payer annuellement aux pauvres de Châteauneuf, par suite de la fondation de dame Hyppolithe de Gondy.

L'hospice de Châteauneuf ne fonctionnait plus de 1748 à la Révolution, époque où les bouleversements survenus le supprimèrent. Ceci arriva par le décret du 19 mai 1793, qui ordonnait la vente des hospices et fondations de charité. Mais, comme on s'aperçut que des dons étaient faits aux indigents par des âmes charitables, est interdite, par le décret du 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793), sous peine d'amendes, toute distribution de pain et d'argent aux indigents, qui ne devront être assistés que par des agences de secours créées dans chaque canton. C'était le bureau de bienfaisance officiel qui venait remplacer les maisons de charité, organisation qui eut lieu par la loi du 8 frimaire an V, par celle du 20 ventôse de la même année, et par l'arrêté des consuls, du 27 prairial an IX, prescrivant la remise au bureau de bienfaisance des biens non vendus ou des rentes non aliénées provenant des fondations charitables. La Commission, nommée pour sauvegarder les intérêts de l'hospice, alors affirme : que la rente de 200 livres, qui était hypothéquée sur la terre de Châteauneuf devait tomber, d'après ces lois, dans la caisse du bureau de bienfaisance. Qu'il est de notoriété publique que les sieurs Drée (de Drée), ont pendant plusieurs années, affermé pour leur compte les bâtiments et terres de l'hospice. Qu'ils ont fait apprendre de temps en temps des métiers à quelques pauvres de leurs terres tant garçons que filles, dans l'intention de remplir les clauses du testament de dame de Gondy (1). Que les bâtiments et terres dudit hospice ont été ensuite vendus comme domaine national, en vertu de la loi qui déclarait biens nationaux les biens des hospices. Que les citoyens Drée ont payé, en vertu de la même loi, aux mains du receveur national, une somme de 750 livres en assignats pour arrérages.

De plus il est constant que le bâtiment de l'hôpital existe encore, il est connu sous le nom d'hôpital de Châteauneuf.

D'après ceci, et après un long plaidoyer, qui existe aux archives de Châteauneuf, rédigé par le citoyen Deruol, la Commission soutient que le titre de rente qui repose sur la terre de Châteauneuf ne peut pas être contesté (2), et que le débiteur de cette rente est le possesseur de cette terre ; que par le fait de la cessation d'activité de service à l'hôpital, il ne peut y avoir cessation de droit, puisque la chose a été prévue par la fondatrice. Que le rétablissement de l'hospice est intéressant pour les pauvres malades, ne serait-il que de deux lits ; qu'il est demandé par tous les bons citoyens. Que ses revenus sont dans le cas de recevoir augmentation, soit par les arrérages dus, soit par les secours que la Commission solliciterait du Corps législatif, soit par des dons faits à l'hospice par de charitables particuliers.

(1) La famille de Drée, ne prévoyant pas la Révolution, n'avait pas réclamé de reçus et attestations, ce qui l'exposa plus tard à de fâcheuses accusations.
(2) Les de Drée n'ont jamais contesté.


Par suite de cela, la Commission prend le parti d'en référer au conseil des pauvres près le tribunal civil du département. Le 11 messidor, an VII de la République, signé Ch. Mathieu, président de la Commission, et Deruol, secrétaire (1).

Ce mémoire, envoyé au Ministre de la justice, a reçu la réponse suivante :

« Les questions que vous avez exposées, citoyens, dans votre mémoire pour les intérêts de l'hospice de Châteauneuf, sont autant de prétentions et droits litigieux de nature à être discutés judiciairement soit avec les acquéreurs des biens, soit avec les ayants droit du fondateur de cet établissement ; je ne puis en conséquence vous donner mon avis sans m'exposer au danger de prévenir ou d'influencer l'opinion des juges, qui pourront être saisis de la connaissance de ces questions. Vous ajoutez à la fin de votre mémoire des observations sur l'utilité du rétablissement de cet hospice, et sur la faveur due à son objet dans un temps où le revenu ci-devant fixé à cet établissement doit être, dites-vous, augmenté par les années échues et arrérages, par la réunion de quelques autres revenus dus à la ci-devant église, et par les dons qui pourraient y être faits. Il vous est libre, citoyens, de proposer ces réflexions au Corps législatif par le canal des autorités administratives, etc. Salut et fraternité. « Signé : le ministre de la justice, Lambrech (2). »

(1) Arch. de Châteauneuf, Série Q, n°1.
(2) Arch. de Châteauneuf, Série Q, ch, 1.


Malgré ces objections, la Commission ne renonça pas à ses projets et le 16 germinal an VIII, elle écrivait au Ministre de l'intérieur que, depuis la loi qui avait supprimé les hospices, elle n'avait pu obtenir en faveur de l'hospice de Châteauneuf aucun remplacement de ses fonds vendus par le département de Saône-et-Loire, le 8 nivôse an V ; toutes ces pétitions étant restées sans effet. Elle demande donc une loi qui unisse à leur modique revenu primitif de 200 livres de rente, la rente de 219 livres due par le citoyen Etienne Drée, à la cy-devant église de Châteauneuf et à son curé avec les arrérages dus. Cette union est toute naturelle puisque les revenus de l'hospice et de l'église proviennent du même titre et de la même fondation de par le testament de dame Hyppolithe de Gondy, et que c'est le même citoyen Drée qui doit lesdites rentes ; qu'ainsi les revenus des pauvres seraient de 419 livres. Signé : Mathieu, président, Denis, Jugnet et Alix (1).

Après toutes ces démarches intervint un jugement, le 17 frimaire an VIII, du tribunal de Châlon, qui condamna le citoyen Drée à payer à la Commission de l'hospice les arrérages de vingt-neuf années de cette rente en question, cependant l'autorise à se libérer desdits arrérages en justifiant des brevets d'apprentissages, de quittances des maîtres ouvriers ou qui seraient de notoriété publique. Mais le sire de Drée fait valoir ses droits.

Et alors paraît un arrêté du préfet de Saône-et-Loire, daté de Mâcon, le 25 frimaire an XI, qui autorise le citoyen Etienne Drée, membre du Conseil général (2), vu sa bonne foi en cette affaire, à transiger avec la Commission de l'hospice au prix de 4000 francs au lieu de 5800, auxquels il avait été condamné par le tribunal ; offre qu'il fait pour en finir avec cette affaire pleine de difficultés (3).

(1) Arch. de Châteauneuf, Série Q, n° 2.
(2) Probablement du Conseil municipal.
(3) Arch. de Châteauneuf, Série Q, n° 3.


Et sera fait sans délai le transfert dudit capital au profit de l'hospice avec la clause que ladite maison jouira, à compter du Ier vendémiaire dernier, des échus de la rente de 200 francs, dus aux pauvres de Châteauneuf. Le sieur Drée en continuera le paiement d'année en année à perpétuité.

Cette pièce est signée : le secrétaire général, Monteil ; le sous préfet, Geoffray.

Voici la réponse, qu'avait faite à ce réquisitoire, le sieur de Drée : Qu'on ne peut dire depuis quelle époque l'hospice a été abandonné ... Ce qui est certain, c'est qu'en 1748 la destination avait été changée, et les 200 livres se payaient aux pauvres. Jusqu'en 1748, il n'y a aucune tradition de ce qui s'est passé avant, et les plus anciens du pays racontent qu'en ce temps l'hospice en ruines n'offrait que quatre murs ... Que les sieurs de Drée ont toujours payé les 200 livres et les revenus de l'hospice (reconstruit et occupé par leurs gardes) pour faire apprendre des métiers aux enfants pauvres... Que le sieur Etienne de Drée, entrant en jouissance à la Saint-Martin 1787, a suivi l'usage établi... Que des curés de plusieurs paroisses avaient alors reçu des secours pour leurs pauvres... Qu'en 1791, vu les bouleversements, il n'a rien payé, mais qu'en 1793, sur la demande du receveur des Domaines, il avait acquitté les arriérés, soit : 750 livres... Qu'à cette époque, sachant qu'en vertu des lois nouvelles, il pouvait s'acquitter en payant le capital en assignats et se libérer à bon compte, il ne le voulut pas pensant qu'il était mieux de conserver ces secours aux malheureux de son pays... Qu'il est loin de vouloir diminuer le patrimoine des pauvres et qu'il est prêt à payer les arriérés de 1795 à 1797 (1).

(1) Arch. Châteauneuf, Série Q, n° 6.


Malgré ce mémoire la Commission refuse l'arrêt du préfet, ce qui motive une nouvelle lettre de ce fonctionnaire par laquelle il rappelle que la question est terminée et que ce refus des administrateurs est une désobéissance formelle aux ordres des autorités (1).

Entre temps Etienne Drée, fort de la lettre préfectorale, s'était libéré en prenant sur le grand livre de la dette consolidée une inscription de 200 francs de rente au principal de 4000 francs, au profit de l'hospice de Châteauneuf.

Alors la Commission se réunit à nouveau, et après divers considérants, elle statue : qu'il ne lui reste plus que le droit de consigner ledit arrêté sur ses registres. Que pour les comptes elle se trouve en avance vis-à-vis de l'hospice. Puis considérant que depuis sept ans les membres de ladite Commission sont en exercice, que les citoyens Charles Mathieu, de Vauban, et Jean-Claude Denis, de Ligny, ne sont plus du canton, que leur âge et leur éloignement ne leur permettent plus de remplir comme ils le désireraient leur vues bienfaisantes ; que Laurent Deruol, de Saint-Maurice, a depuis deux ans et plus envoyé sa démission au sous-préfet de Charolles, que maintenant il est occupé de l'instruction de la jeunesse, que Claude Jugnet est chargé d'une nombreuse famille ; que le nouvel arrêté de la sous-préfecture règle la distribution annuelle de tous les revenus de l'hospice au bureau de bienfaisance, etc. La Commission rend ses comptes, en réclamant une somme de 152 fr. 80 qu'elle a avancée et donne sa démission, l'an IX (2).

(1) Arch. de Châteauneuf, Série Q, n° 4.
(2) Arch. de Châteauneuf, Série Q, n° 5.


Ainsi échouèrent toutes les démarches pour rétablir l'hospice de Châteauneuf, et une nouvelle Commission administrative distribuera dorénavant la rente que les maîtres du château du Banchet continueront à solder chaque année.

Cette Commission administrative en portait encore le nom en 1826 ; le 26 novembre de cette année, le maire, M. Alix, ouvre le registre comme président de la Commission administrative de l'hospice, ce ne fut qu'un peu plus tard qu'elle prit le nom de Bureau de bienfaisance.

Voici les noms de ceux qui la composaient alors : Deruol, curé ; Alix, maire ; Vérand et Beluze, membres. Dans ce procès-verbal, on y reconnaît que depuis quinze mois il n'y avait eu aucune distribution aux pauvres ; que les communes, qui participaient à ces distributions pour leurs pauvres, étaient : Châteauneuf, Saint-Maurice, une partie de Tancon, Saint-Martin-de-Lixy, parce que les terres sur lesquelles reposait cette rente de 200 livres étaient situées sur ces paroisses. Les revenus étaient : les 200 livres payées chaque année par le château et les 200 francs provenant du capital de 4000 francs, anciens arrérages convertis en rentes sur l'Etat par M. de Drée, et mis à la charge du département, qui doit payer cette rente annuellement.

Cette résolution, de distribuer en argent les revenus de l'hospice, semble mal fondée et contraire aux clauses du testament de Gondy. Le devoir de la Commission n'était-il pas de réserver chaque année une partie des ressources disponibles a rétablir l'ancien hôpital dans lequel eussent été admis les pauvres des communes sus-indiquées ?

Un prélèvement de la moitié seulement des revenus au taux ancien de la capitalisation eût permis de réaliser depuis longtemps une somme plus que suffisante à l'exécution du rétablissement de l'hospice. Ce qui, au grand avantage du pays, aurait maintenu un médecin, un pharmacien, un personnel hospitalier et aurait amené la création d'un dispensaire. Mais ce qui n'a pas été fait peut encore s'exécuter et le premier magistrat de cette commune, M. Gensoul, y apportera le zèle le mieux entendu.

Depuis 1826, on fait la distribution annuelle, qui est de 400 francs. En 1834, on a fait des économies et le 8 mai on emploie 1616 fr. 16 en un achat de rentes 5 pour 100.

Cependant c'était toujours M. de Drée qui, en 1847, payait la rente ; il obtient le 28 février, une restriction de l'hypothèque prise contre lui, qui frappait toute la terre de Châteauneuf.

A partir du 15 janvier 1854, on ne fait plus la distribution de secours qu'entre les pauvres de Châteauneuf, de Saint-Martin et de Tancon. Puis en décembre 1863, il n'est plus fait mention que des pauvres de Châteauneuf dans cette distribution. On accorde cependant quelque temps encore des secours aux pauvres de Saint-Martin et de Tancon, mais sans leur donner la qualité d'étrangers à la commune. D'ailleurs Saint-Maurice et Tancon étant pourvus de bureaux de bienfaisance, cette distribution n'a plus de raison d'être.

Le 19 novembre 1877, par acte passé par-devant M° Gormand, notaire à Villefranche, le bureau de bienfaisance se voit enrichi d'un nouveau don de la part de M. Louis-Henri Romarie, comte de Monspey, veuf de Mlle Lucille-Camille de Drée, comtesse de Monspey, née à Châteauneuf, le 18 janvier 1805, de M. Etienne de Drée et demoiselle Alexandrine-Louise-Polixène de Dolomieu, marquise de Drée. C'est le don d'un titre de 50 francs de rente 5 pour 100, à l'effet de distribuer, tous les 31 du mois de mai, du pain aux pauvres de Châteauneuf.

Ce don est accepté régulièrement au nom du bureau de bienfaisance par M. André-Paul Gensoul, délègue à cet effet (1), par acte passé devant M° Gormand, notaire à Villefranche.

(1) Arch. de Châteauneuf.


Cette rente par suite de conversion de la rente a été réduite de 50 francs à 45 puis à 35 francs.

M. Paul Gensoul, étant devenu possesseur de la terre et du château du Banchet, en 1872, le service de la rente de 200 fr. au bureau de bienfaisance, ainsi que celle de 50 francs pour l'entretien de la lampe du sanctuaire, d'après les clauses du testament de Gondy, passaient à sa charge. Elles furent servies par M. Gensoul jusqu'en 1887 ; mais alors, il renouvela la proposition qu'il avait faite en 1877, le 13 mai, au Conseil municipal et au Conseil de fabrique d'accepter le remboursement de cette rente perpétuelle, qui, aux termes de la loi, étant rachetable au denier vingt, pouvait, vu la hausse probable des rentes sur l'Etat, être effectué dans des conditions onéreuses pour les pauvres.

Après délibération du Conseil municipal et son acceptation, 7 novembre 1886, ainsi que celles du Bureau de bienfaisance et du Conseil de fabrique, par un arrêté du préfet de Saône-et-Loire, du 28 septembre 1887, M. Paul Gensoul fut autorisé à effectuer le remboursement du capital de cette rente de 250 francs, hypothéquée sur les terres et château du Banchet, en remettant au bureau de bienfaisance un titre de 200 francs de rente 3 pour 100 sur l'Etat français, dont décharge lui est donnée par le bureau de bienfaisance ; plus 1000 francs représentant le capital de la fondation de 50 francs de rente, pour l'huile de la lampe, fondation faite par Mme de Gondy, dont décharge est donnée à M. Paul Gensoul par le Conseil de fabrique, ainsi composé : Pierre Fricaud, président ; François Demur, trésorier ; Claude Noirard, curé ; Antonin Fricaud, Etienne Demurger et Benoît Roche.

Dont acte passé à Châteauneuf, en l'étude de M° Destre, notaire, le 30 août 1887.

Ces 1000 francs, représentant les 50 francs pour le luminaire, ont été affectés, suivant délibération du Conseil de fabrique et autorisée par Mgr l'évêque d'Autun (le luminaire étant assuré comme dépense obligatoire du culte), à la part de la fabrique dans la réparation du clocher, la construction de la sacristie sur une partie de l'ancienne salle de justice donnée par M. Gensoul et dépendant du château et de l'escalier, qui monte de la sacristie au clocher.

Ces réparations ont été faites d'après le projet de M. Selmersheim, architecte du Gouvernement, projet approuvé par le ministre des Beaux-Arts, le 22 août 1881.

Les sommes affectées à ce projet furent :

1° Pour la construction d'une sacristie et d'un escalier d'accès au clocher, 10.601 fr. 85.
2° Pour diverses réparations à l'église et au clocher, 8.798 fr. 90. Cette dernière somme fut accordée en entier par le ministre des Beaux-Arts.

Quant à la somme de 10.601 fr. 85 affectée à la construction de la sacristie et des escaliers du clocher : 6000 francs furent accordés par le ministre de la Justice et des Cultes ; 3000 francs furent donnés par le maire, M. Gensoul ; 1000 francs par la fabrique et 601 fr. 85 par différents souscripteurs, dont voici les noms : M. Noirard, curé, 151 fr. 35 ; M. Claudius Beluze, 200 francs ; Mlle Thérèse Glatard, 100 francs ; M. Auguste Déal, 50 francs ; Mme veuve Renon, 40 francs ; M. Maurice Gelin, 25 francs ; M. François Démur, 10 francs ; M. Laporte, 5 francs ; M. Augagneur, 5 francs ; M. Badole, 5 francs ; M. Cl.-M. Poyet, 5 francs ; M. Tachon, 3 francs ; Mlle Roux, 2 francs et Mlle Robin, 0,50. Total 601 fr. 85.

Malheureusement, le 10 juillet 1892, un violent orage ayant éclaté sur Châteauneuf, la foudre tomba sur le clocher, que l'on n'avait pas muni d'un paratonnerre, et fit de tels dégâts que la partie supérieure en glacis, qui recouvre le clocher, est à refaire ; réparation qui demandera une dépense égale à celle déjà faite en 1881. L'église de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf était foudroyée le même jour.

Terminons ce chapitre en disant quelques mots d'une secte religieuse, composée d'une centaine de membres, qui habitent cette région aux environs de Châteauneuf. Ils sont connus dans le pays sous le nom de Blancs. Ils ne veulent avoir aucun rapport avec le clergé catholique qu'ils considèrent comme illégitime, ayant perdu toute juridiction requise à l'administration des sacrements. Oubliant que le pape a reçu tout pouvoir de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour le gouvernement des fidèles, ils lui refusent le droit d'avoir fait le Concordat avec Bonaparte, par lequel on changeait la délimitation des diocèses, on en détruisait un grand nombre, et on supprimait plusieurs fêtes chômées. C'est sur cette nouvelle délimitation des diocèses qu'ils s'appuient pour refuser aux prêtres actuels toute juridiction et tout pouvoir à conférer les sacrements, la juridiction des anciens évêques seuls légitimes ayant été détruite. Ils gémissent sur le sort actuel de l'Eglise de France, qui est devenue hérétique par un Concordat que le pape n'avait pas le droit de faire, eux seuls sont restés dans la vérité et la vraie foi. On voit par ce raisonnement combien est fausse leur doctrine et déplorable leur entêtement. Ils s'administrent eux-mêmes le baptême ; pour les autres sacrements ils attendent un temps meilleur ou l'occasion de trouver sur leur route un évêque ou un prêtre possédant une juridiction antérieure au Concordat. Chaque famille de ces anticoncordataires possède une chapelle domestique, qui n'est qu'une chambre de l'habitation, où l'on se réunit le soir et chaque dimanche. On y prie avec beaucoup de piété, on y chante les offices selon le rite ancien et l'on y récite le chapelet. Ils ont probablement un chef parmi eux, qui est revêtu d'une autorité semblable à celle de l'évêque, on ne sait où il habite. Il les réunit à Romay près Paray, à Sanssenay, canton de Semur, à Charlieu et parfois à Fourvière. D'ailleurs, ils sont essentiellement nomades pour leurs lieux de réunion. On les trouve par bandes, assez souvent le samedi, dans l'antique église de Charlieu. Ils y entrent sans prendre de l'eau bénite, se prosternent dans un endroit spécial et ne s'occupent nullement du saint sacrifice qui s'offre sous leurs yeux.

Il y a bien des anticoncordataires en d'autres pays de France, mais ceux de Châteauneuf se séparent d'eux en se disant possesseurs de vérités et secrets que les autres ne connaissent pas ; secrets qui les réunissaient déjà en association religieuse bien avant la constitution civile du clergé de 1791. Ce qui nous fait croire à un restant de secte janséniste de l'école de Port-Royal, et nous expliquerait ces secrets qu'ils gardent si précieusement. Ils ont dans leur bibliothèque quelques ouvrages de piété et d'instructions religieuses, entre autres : Exposition de la doctrine chrétienne ou Instruction sur les principales vérités de la religion, Cologne, 1658. Cette date et le lieu de son impression sont de fortes preuves de la source janséniste de cet ouvrage, Jansénius étant mort en 1638.

Ajoutons à ces originalités religieuses qu'en ce moment à Châteauneuf habite un des principaux adeptes de l'erreur de Loigny, qui croient, fable absurde, que Léon XIII est captif dans les prisons du Vatican, et qu'ils doivent travailler à sa délivrance.

Abside de l'église de Châteauneuf

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