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Essai historique sur Châteauneuf-en-Brionnais,
ou châtellenie royale sur les bords du Sornin

Par l'abbé L. Pagani (1896)


Chapitre II



Les seigneurs de Châteauneuf. Comtes et vicomtes de Mâcon.
Les Le Blanc. Les sires de Beaujeu.
Philippe-Auguste. Saint Louis. Châteauneuf châtellenie.


Ancienne église de St-Maurice-lès-Châteauneuf

Le Mâconnais, comme toutes les provinces du centre de la France, dans les premiers siècles de notre ère, se vit envahi par ces peuples venus du nord, qui se mêlèrent à la race gauloise, prédominant bientôt, et absorbant l'ancienne race, pour ne laisser subsister que la langue gallo-romaine, à laquelle vinrent se mêler beaucoup de noms et de mots germains et burgondes. L'histoire ne possède que très peu de documents sur cette époque, ce n'est que vers le IX° siècle que les cartulaires des abbayes et des prieurés viennent nous donner quelques notions sur l'organisation territoriale et gouvernementale qui précéda la féodalité.

Suivant la coutume romaine, il y avait alors trois sortes de personnes : des hommes libres, des colons ou cultivateurs et des serfs.

Les hommes libres, propriétaires des terres appelées alleux, formèrent bientôt les nobles, qui devinrent seigneurs et maîtres des deux autres castes. Puis arrive la féodalité, époque où l'autorité royale va toujours en s'affaiblissant au grand avantage des nobles, devenus de plus en plus riches et puissants.

Les cartulaires du Mâconnais gardent les traces de ces premiers propriétaires libres, qui jouissaient de la plus grande indépendance dans leurs alleux, à l'abri des hautes murailles de leurs castels, protégés par des fossés, des haies et des palissades. Ce n'est qu'au XII° siècle que ces familles commencent à se distinguer par des noms patronymiques, aussi est-il bien difficile auparavant de voir clair dans ces noms, plus ou moins barbares, que contiennent les anciennes chartes, et reconnaître quelque filiation.

Parmi ces anciennes familles féodales de cette partie du Mâconnais qui nous intéresse, nous citerons les Le Blanc, vicomtes de Mâcon, les de La Martorelle, les de Semur, les de Damas, les de La Madeleine, les de Chaugy, les de Marcilly, les de Villon, les de Châteauneuf, les de Perière, les d'Amanzé, les du Moulin du Bost, etc. Au-dessus de ces noms illustres, ce sont les puissants comtes de Chalon, de Mâcon, de Bourgogne, de Bourbon et les sires de Beaujeu.

Le Mâconnais appartenait en partie au comte de Mâcon et en partie à son vicomte, qui possédait surtout le sud-ouest du Mâconnais, c'est-à-dire toute cette partie qui s'étend de Dun à Charlieu, ce que nous pourrions appeler le bassin du Sornin. Les comtes de Mâcon exercèrent une espèce de suzeraineté sur leurs vicomtes et par cela même sur Châteauneuf, dont ils étaient seigneurs ; dès le XI° siècle, nous les trouverons unis pour leurs expéditions militaires. Le premier connu des comtes de Mâcon fut Bernard, dit Plante-velue, sous la minorité de Louis et de Carloman, petits-fils de Charles le Chauve. Bozon, beau-frère de ce dernier, profitant de la faiblesse de ces deux jeunes rois, se fit sacrer roi à Vienne, avec l'approbation des seigneurs et évêques du pays qu'il gouvernait aux noms de Louis et de Carloman. En 880, les deux rois de France, voulant punir ce chef révolté, levèrent des troupes et vinrent s'emparer de Mâcon (1). Ils en donnèrent alors le gouvernement à un seigneur de leur cour, nommé Bernard, dit Plante-velue, qui devint la tige d'une suite de comtes, qui possédèrent le comté de Mâcon pendant de longues années. Ce royaume de Bozon comprenait la Bourgogne, la Bresse, le Bugey, la Savoie, le Lyonnais, le Dauphiné et la Provence.

Bernard Plante-velue, premier comte du Mâconnais, eut parmi ses successeurs Warin Ier, comte d'Auvergne, de Chalon, de Mâcon et Autun. Sa petite-fille Attolande, héritière du comté de Mâcon, épousa Albéric de Narbonne, qui commença la lignée des comtes indépendants de Mâcon, suzerains de Châteauneuf. Albéric laissa trois fils, l'aîné Léotald ou Létald, fut comte de Mâcon et comte de Bourgogne, en 936, après la mort du second, Giselbert, qui mourut dans postérité ; le troisième fut la souche des seigneurs de Salins.

Léotald signe la donation d'un seigneur nommé Aquin à l'abbaye de Cluny, d'églises, de manses, de serfs, de vignes, de moulins et de forêts, qu'il tenait de Gislebert, comte de Bourgogne, frère de Létald, comte de Mâcon (2), 938 ...

(1) Gacon, Hist. de Bresse et du Bugey, Bourg, 1825, p.12.
(2) J.-H Pignot, Histoire de l'ordre de Cluny. Autun, Michel Dejussieu, 1868, t. I, p. 209. Chart. et Diplômes, t. VI, p. 102. Ann. Bénédict., t. III, p. 490.


Léotald Ier, ayant étendu ses domaines par d'heureuses acquisitions jusque dans la haute Bourgogne, meurt en 945, et veut être enseveli dans la cathédrale de Besançon, dont il était le bienfaiteur insigne (1).

Son fils, Léotald II, qui lui succède au comté de Mâcon, confirme en 946, avec Hugues le Grand, comte de Paris, Hugues le Noir, duc de Bourgogne, à l'abbaye de Cluny, la possession des églises de Saint-Jean et de Saint-Martin-sous-Mâcon, du bourg de Thoissey et du monastère de Charlieu (2). Protecteur de la grande abbaye, en 947, il reconnaît ses titres sur la terre de Vergisson (3) ; sanctionne en 948, l'élection de Mayeul (Saint-Mayeul) à la chaire abbatiale (4), et, à cette occasion, donne à l'abbaye l'église de Saint-Martin-de-Taizé (5). Nous y voyons figurer son vicomte, nommé Walter, qui serait le premier connu de la famille des Le Blanc, possédant Châteauneuf (6).

(1) Hist. de Cluny, t. I, p. 218 et 245.
(2) Id., t. I, p. 216.
(3) Id., t. I, p. 230. Chart, et Dipl., t. VII, p. 135.
(4) Id., t. I, p. 199.
(5) Id., t. I, p. 211. Chart. et Dipl., t. V, p. I.
(6) Id., t. I, p. 231. Chart. et Dipl., t. VII, p. 231 et 249. Ce qui est signalé au Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, 420, par un acte de restitution aux chanoines de Saint-Vincent de l'Église de Lixy, sous le vocable de saint Martin, in pago Dunensi, in villa Liciaco, par Léotald, comte de Mâcon, et Gauthier (Walterius), vicomte, au temps du roi Lothaire, 954-960.


D'où était sortie cette famille des Le Blanc, en possession de la vicomte de Mâcon ? L'on croit que c'était de l'illustre maison de Semur, qui possédait le Brionnais depuis de longues années. Un membre de cette famille, Léotbald, construisit le château d'Anzy-le-Duc, et favorisa la fondation de ce prieuré en donnant de riches domaines à saint Hugues, le premier prieur.

M Cucherat fait descendre les Le Blanc (Albi) de Froiland, seigneur de Briennon, fils de Froiland Ier, deuxième baron de Semur, vivant au IX° siècle (1).

(1) Cucherat, Anzy-le-Duc, Semur en Brionnais. Mémoires de la Société Eduenne, t. XV, p. 271. L'Art roman à Charlieu, p. 18.


La ville de Semur, non loin de là, s'élève auprès des bords de la Loire, à la limite de l'ancien duché de Bourgogne ; c'est l'antique capitale des Brannovii, Brionnais. Les Romains y avaient construit une tour d'observation pour surveiller à l'est et à l'ouest le cours du fleuve.

Cette forteresse devint aux IX° et X° siècles très importante, car elle formait l'extrémité du comté de Chalon qui, resserré entre ceux d'Autun et de Mâcon, laissait le premier dans les montagnes de Brancion, au-dessus de Cluny et le second au delà des rives de l'Arroux, se prolongeant jusqu'à la Loire. De ce château de Semur, l'œil embrassait, au midi, une partie des montagnes du Forez ; en face et à droite, les bords de la Loire qui sépare le Forez du Bourbonnais et du Beaujolais. Ainsi, toute la vallée de la Loire, qui s'étend de Charlieu à Bourbon-Lancy était placée sous la défense du château de Semur, qui se complétait par la protection que lui donnait Charolles et sa forteresse.

L'importance de cette seigneurie avait élevé au premier rang de la noblesse la famille qui l'occupait et que l'on croit descendue des anciens rois de Bourgogne.

Ce serait donc de cette vieille race que sortiraient les seigneurs de Châteauneuf. Les premiers connus, outre Walter, dont nous avons parlé, seraient Hugues Le Blanc, vers 984 ; Artaud Le Blanc, 990 ; Archimbaud 1er Le Blanc, 1035 ; Hugues Le Blanc, de 1060 à 1076 ; Artaud II Le Blanc, vers 1078 ; Archimbaud II vers 1125, et Artaud III, 1140, nous le trouvons associé à Guillaume IV, comte de Mâcon, en toutes ses expéditions militaires ; Etienne et Archimbaud III, 1180.

A. Bernard, dans son Essai historique sur les vicomtes de Lyon, de Vienne et de Mâcon, cite comme vicomtes de Mâcon, avant les Le Blanc, Raculffe, vers 905, Etienne vers 923, Maguel, vers 936, Gauthier vers 950, Nardoin vers 964, Erlebâle vers l'an 1000, Guy vers 1015. Mais il croit, comme nous, que c'était une autre famille de vicomtes ou du moins d'une autre branche que les Le Blanc. La Charte 983, du Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, signale l'existence d'une terre vicomtale dans la banlieue de Mâcon, sur les bords de la Saône, et près de la terre du Comté, ce pourrait être la vicomté des vicomtes nommées ci-dessus (1).

Ces Albi ou Le Blanc étaient alors fort puissants, possédant de grands biens, non seulement en Mâconnais, mais encore en Brionnais, Beaujolais et Lyonnais. Leurs plus importantes forteresses étaient Dun, près de Saint-Racho, Châteauneuf (2) et Charlieu.

(1) Rev. For., 1867, Ess., p. 154.
(2) Thiollier, L'Art roman à Charlieu, p. 18.


Le premier dont les faits nous sont connus est Archimbaud Ier Le Blanc, qui, poussé par ses sentiments religieux, part, en 1036, en pèlerinage en Terre-Sainte, avec plusieurs nobles personnages de ce temps. Ce furent ces pèlerins qui, à leur retour, en racontant les humiliations et les vexations sans nombre auxquelles étaient en proie les chrétiens de la Palestine, causèrent cet enthousiasme guerrier qui emporta, à la fin du XI° siècle, les premiers croisés en ces régions lointaines soumises aux Musulmans oppresseurs.

Cet Rimbaud était fils de Artaud Le Blanc et petit-fils de Hugues Le Blanc qui vivait en 984, et qui donna cette année même à l'abbaye de Cluny, de concert avec son fils Arthaud un curtil à Montmelar. Lors de son départ pour Jérusalem vers 1037, Archimbaud Ier Le Blanc donna à l'abbaye de Cluny une église dédiée à Saint-Laurent (de Cote au nord-est de Cluny) et une forêt appelée Plana Casanea, Plein-Chassaigne, située en Mâconnais. Il demandait aux moines un prêt d'argent considérable, ou du moins que nous jugeons tel par la valeur des biens engagés, car, outre cette forêt, il met en gage aux mains des moines de Cluny une manse située à Vigousset (1). A la condition cependant de pouvoir rentrer en leur possession s'il revenait sain et sauf. Il revint au bout de deux ans après un heureux pèlerinage, qui, paraît-il, l'avait enrichi ; le roi de Jérusalem pour le remercier de ses services lui avait fait sans doute quelque don considérable. Le fait est que, bien loin de se prévaloir de la clause mentionnée ci-dessus et de rentrer en possession des biens engagés, il confirme ces dons par un nouvel acte passé à Cluny, 1037. De plus pour se montrer reconnaissant de la protection divine qui l'avait accompagné, il confirme le don de la Cour (2) de Montmelar fait déjà par Artaud, son père, à l'abbaye (3).

(1) Manse, sorte de ferme à laquelle était attachée à perpétuité une quantité de terre. Chéruel.
(2) Cour, terrain planté d'arbres fruitiers, qui entoure l'habitation d'une exploitation rurale, le verger actuel. Chéruel.
(3) Pignot, Hist. de l'ordre de Cluny, t. I, p. 209-414-416. Chart. Et Dipl., t. XXII, p. 150.


Puis, en 1039, il confirme à nouveau les donations ci-dessus et les accroît d'une manse appelée Vinéole, vignoble important. Egalement sa femme Béatrix, qui devait être d'une famille du Lyonnais, donne aux moines de Cluny, en un lieu appelé Salzeto (peut-être le Sauzet) in pago lugdunensi, une manse et ses appartenances, peu après la mort de son mari (Archimbaldi vice-comitis, nuper defuncti). La mort d'Archimbaud doit avoir eu lieu en 1040, quant au jour de sa mort le nécrologe de l'Eglise de Saint-Pierre de Mâcon, qui se trouve à la Bibliothèque Nationale (fonds Lat, 5254), la fixe au VIII des Ides d'août (1).

En Mâconnais, ce titre de vicomte, que portaient les Le Blanc, n'avait que son sens le plus naturel, celui de représenter le comte dans ses fonctions judiciaires et administratives. Le vicomte, d'abord nommé par le comte, devint peu à peu héréditaire en ses fiefs et seigneuries, ayant dans le comté un territoire particulier appelé vicomté ressortissant plus directement de lui. Il ne cessait pas cependant de représenter le comte dans les plaids et cours de justice, mais il sut se constituer un apanage, qui comprenait, outre la vallée du Sornin et Charlieu, Ambierle et Néronde (2).

(1) Rev. For. 1867. Essai hist. sur les vicomtes de Mâcon. A. Bernard, p. 162. Vachez, Familles chevaleresques aux croisades, p. 4.
(2) Rev. Forez, 1867, Essai, A. Bernard, p. 113 et 154.


Archimbaud Ier Le Blanc laissa deux fils :

1° Hugues, qui lui succéda ;
2° Artaud, qui fut l'un des principaux bienfaiteurs de l'abbaye de Saint-Rigaud, près de Saint-Maurice-les-Châteauneuf. Il y fut enterré sous le nom d'Artaud de Néronde (Artaldus Nerondiensis), parce que ses biens étaient surtout à Néronde en Forez. Après sa mort, sa femme Etiennette se remarie et néglige d'accomplir les dernières volontés de son premier mari en faveur de Saint-Rigaud ; mais étant tombée gravement malade à Roanne, sa résidence, elle envoya prier l'évêque Drogon, de Mâcon, de venir l'assister à son lit de mort. Elle répara largement sa faute par les mains du saint évêque, qui n'avait pas hésité à se déplacer pour elle (1).

(1) Essai sur les vic. de Mâcon, Bernard, p. 163, Rev. Forez, 1867.


Il n'est pas à croire qu'Artaud eut la seigneurie de Châteauneuf puisqu'on le désigne comme possédant Néronde. Ce fut donc Hugues Le Blanc, qui hérita des seigneuries de Châteauneuf, de Dun et de Charlieu.

Cet Hugues (Ugo, Hugo, Vigo, comme le nomment les Chartes de Saint-Rigaud), est peut-être le premier qui fut surnommé Le Blanc (Albus), nom que garda sa famille. Ce vicomte de Mâcon figure comme témoin dans un acte de donation faite à Cluny par le comte Guillaume et sa femme Aimeruz, le 17 mai 1067.

Mais l'acte le plus important que nous possédons de lui est une donation faite au chapitre de Saint-Pierre de Mâcon d'une chapelle dédiée à Saint-André, et qui faisait partie de sa vicomté. Actum Matisconi publici, regnante Philippo...

Le nécrologe de l'église de Saint-Pierre, que possède la Bibliothèque Nationale, donne : « VIII Kal. nov. obiit Ugo, vicecomes, qui reddidit huix ecclesiae capellam S. Andrae cum vercaria, annuente Widone comite ». Cette donation doit avoir été faite entre 1065 et 1078, pendant la vie du comte Guy (Wido). Cette chapelle de Saint-André ne peut être que Saint-André-de-Villers près de Charlieu, puisque le vicomte Hugues dans cette charte de donation, qu'il fait avec le consentement du comte Guy, son seigneur (Seniori meo), dit que les choses données sont situées en sa vicomté : Sunt autem cœ res de vicecomitatu quem teneo). Or c'est la seule église de ce nom située dans le diocèse de Mâcon, qui dépendît jadis du chapitre de Saint-Pierre de Mâcon (1). Preuve encore que sa vicomté s'étendait vers Charlieu, comprenait cette ville et ses environs.

Hugues Le Blanc laissa deux fils : Artaud II Le Blanc, qui lui succéda, et Archimbaud ou Amblard cité dans les actes de Saint-Rigaud.

Artaud II Le Blanc succéda à son père Hugues vers 1076, deux ans à peu près avant que le comte Guy de Mâcon se fut retiré dans l'abbaye de Cluny avec trente gentilshommes de ses vassaux, 1078. Nous connaissons son existence par un acte qui nous apprend que le comte de Mâcon, Guy, et son vicomte, Artaud, remettent à l'église de Saint-Pierre de Mâcon toutes les coutumes qu'ils levaient dans les terres de cette église, justement ou injustement. Puis, l'on trouve également dans le Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, une donation faite par cet Artaud, et dans cet acte il restitue à ce Chapitre la part de propriété qu'il avait sur l'église de Saint-Amour (2).

(1) A. Bernard, Essai sur les vic. de Mâcon, p. 154 et 164. Id. Cartul. de l'abb. de Savigny, t. II, p. 1046.
(2) Essai sur les vic. de Mâcon, A. Bernard, p. 165. Rev . Forez., 1867. Severt, Chron. Ep. Mat., p. 116.


Artaud II Le Blanc laissa deux fils : Artaud III, l'aîné, épousa une fille du seigneur de Miribel, qui lui apporta en dot le château de Riotier, près de Trévoux. Il céda la moitié de ce château à Guichard de Beaujeu vers 1129 ; dans cet acte, est nommé son beau-frère, Boniface de Miribel. Il fit d'autres cessions à Humbert de Beaujeu vers 1139 et dans l'une d'elles on voit paraître comme témoin son neveu, Etienne, fils de son frère Archimbaud III.

Archimbaud III Le Blanc, second fils d'Artaud II, nous intéresse plus particulièrement, ce fut le seigneur de Châteauneuf. Il ne fut pas heureux dans ses affaires, et nous le verrons se dépouiller peu à peu de tous ses domaines.

Il commence vers 1125 à vendre son château de Cavagère (Cavageru), peut-être Chevanisset, qu'il donne en alleu à Guichard, sire de Beaujeu, plus la montagne où il se trouvait, avec tout ce qu'il possédait, depuis la vallée de Murcy et de Dun, jusqu'à la Bussière, Marcilly et Sainte-Marie-du-Bois (le Bois-Sainte-Marie), en Mâconnais (1).

(1) A. Bernard, Essai sur les vic. de Mâcon, p. 166. Aubret, Pour servir à l'hist. des Dombes, p. 280.


Il possédait diverses terres en Beaujolais et notamment la seigneurie de Chevagny-le-Lombard, près d'Aigueperse. Or, vers l'année 1140, emporté par son humeur chevaleresque et par les sentiments de foi qui distinguaient sa noble famille, il fait vœu de partir en Terre-Sainte pour combattre les ennemis du Christ, qui revenaient hardis et terribles attaquer le nouveau royaume de Jérusalem. Il s'adresse au sire de Beaujeu pour avoir l'argent nécessaire et lui cède encore tout ce qu'il possédait en deçà de la Loire, soit dans la plaine, soit dans la montagne, en bois, forêts, eaux, serfs et serves, au cas où il mourrait sans enfants légitimes. II reçoit en échange d'Humbert de Beaujeu 5100 sous, monnaie de Cluny, sur sa terre du Chevagny et ses dépendances, plus 3000 sous, monnaie de Cluny et 500 sous de la forte monnaie de Lyon sur la terre de Châteauneuf et ses dépendances. Devant un tel gage, Humbert ajoute encore à ces sommes 600 sous de la même monnaie forte de Lyon et trois marcs d'argent, en stipulant qu'Archimbaud seul ou son fils légitime pourraient dégager les terres remises ainsi en garantie, lesquelles devaient appartenir au prêteur au cas de prédécès d'Archimbaud.

Cet acte d'emprunt fut dressé en présence de Guichard et Hugues de Marzé, Hugues de Vaux, Eudes de Marchampt, Humbert d'Andillé, Hugues de Vernay, Arnoul de Fougères et autres illustres représentants des premières familles chevaleresques du Beaujolais (1).

Archimbaud III Le Blanc ne mourut pas en Terre-Sainte, cependant le sire de Beaujeu en lui rendant une partie des terres engagées, resta en possession de Châteauneuf, quoique Archimbaud eût un fils, nommé Etienne, avec lequel il avait fondé l'hôpital d'Aigueperse.

Mais l'acte le plus important qu'il fait pour reconnaître la protection que Dieu lui a accordée pendant son long voyage, c'est la fondation de l'hôpital d'Aigueperse. Ce n'était alors qu'un petit hameau entre la Clayette et Monsols, fief riche en domaines, et dont les Le Blanc étaient seigneurs ; l'on y voit encore les traces de leur château. Une charte nous apprend qu'après avoir construit cet hôpital, Archimbaud le met sous le vocable de sainte Marie-Madeleine, cette célèbre pénitente, dont il avait rapporté de la Palestine reliques et dévotion. Il le dote de biens considérables situés, dit toujours la charte, à Aigueperse, au diocèse d'Autun, paroisse de Saint-Bonnet-les-Bruyères. Ce fut cet hôpital qui fut l'origine d'un bourg, devenu bien vite très important, d'autant plus que l'évêque d'Autun Noctigale, qui vint faire l'inauguration du nouvel hospice, dota l'église du lieu d'une collégiale (2) dont les chanoines existèrent jusqu'à la Révolution française. La contrée, fort pittoresque, est arrosée par de frais cours d'eau, qui lui ont valu son nom. Aigueperse est maintenant du département du Rhône et du canton de Monsols.

(1) Vachez, Familles chevaleresques aux Croisades, p. 30. A. Bernard, Essai sur les vic. de Mâcon. Rev. Forez, p. 167.
(2) Nous croyons que cette collégiale ne fut fondée que plus tard, en 1288 comme nous le dit Courtépée dans son Voyages en Mâconnais en 1777 : « Je vis de Saint-Igny-de-Vers, Aigueperse (aqua persa), où la chapelle de la Madeleine fut érigée en collégiale en 1288 par Hugues, évêque d'Autun, et Louis, sire de Beaujeu, qui la dota. Thomas de Maze, calviniste, s'empara de ce chapitre et de ses biens, en 1572, en chassa les chanoines et pilla les archives. Des matériaux du cloître il construisit à trois cents pas un castel qu'il nomma La Bruyère. Sa veuve rendit, en 1610, au chapitre, la justice temporelle d'Aigueperse, des héritages et des terriers. » Courtépée, p. 171.


Le noble seigneur, dans cette charte de fondation, permet à tous ceux qui tenaient des fonds de lui, à cens ou autrement, de suivre son exemple et de doter généreusement cette maison de charité. Les religieux qui y furent préposés furent autorisés, pour l'entretien de la maison, à tirer de ses forêts à Aigueperse toutes les choses nécessaires, à recueillir les glands pour engraisser des pourceaux, à profiter des chutes d'eau pour y construire des moulins, leur permettant en même temps le pâturage dans ses prés, après la levée des foins.

La femme et le fils d'Archimbaud approuvent cette donation ; et si un de ses successeurs se refusait à remplir ces diverses clauses, l'évêque d'Autun devait l'y obliger en se servant de toutes les armes spirituelles en son pouvoir (1) ; pouvoir redoutable à cette époque de foi, et qui seul était vraiment respecté.

(1) Louvet, Hist. manuscr. du Beaujolais, 2° partie, ch. III, Aigueperse.


Par la suite bien d'autres dons vinrent enrichir cet hôpital, Etienne, évêque d'Autun, en 1176, lui donna l'église de Vareilles et ses revenus. (Cartul. de l'Eglise de Lyon.)

Ces départs pour la Terre-Sainte favorisaient beaucoup l'agrandissement des territoires des seigneurs, moins zèles, qui demeuraient en France. Ils achetaient les biens de ceux qui partaient et, comme bien souvent ces preux chevaliers ne revenaient pas réclamer leur héritage ou ne pouvaient pas les rèmèrer à leur retour, ils en demeuraient paisibles possesseurs. Ce fut une des causes de la prospérité toujours croissante de la maison de Beaujeu, qui se montra en ces circonstances fort habile et moins chevaleresque (1).

Ce n'était pas la première fois que les sires de Beaujeu s'enrichissaient aux dépens des vicomtes de Mâcon. Vers 1120, Archimbaud Le Blanc avait cédé à Guichard III de Beaujeu ce qu'il possédait en alleu à Montagny, bourg près de Roanne. Puis Guichard étant devenu possesseur de tout ce qu'Archimbaud Le Blanc possédait « depuis la vallée de la Marre et la Dune jusqu'à Bussières, et depuis Marcilly jusqu'à Sainte-Marie-le-Bois », lui remet en fief tout ce qu'il venait ainsi de lui céder, à condition que si ledit Archimbaud venait à décéder sans héritiers, le seigneur de Beaujeu lui succéderait. Dès lors Archimbaud Le Blanc, seigneur d'Aigueperse, de Dun et de Châteauneuf, devint homme lige des sires de Beaujeu et leur jura fidélité. Ceci fut signé à Propières (2).

(1) Les sires de Beaujeu, par E. R., Revue du Lyonnais, août 1894. Les armes que la maison de Beaujeu prit vers cette époque, sont : d'or au lion de sable, armé et lampassé de gueules. Il se chargea plus tard d'une lambel de gueules de cinq pièces (Mazures).
(2) Louvet, Hist. manuscr. du Beaujolais, ch. V.


Cette maison de Beaujeu, qui fut une des plus illustres de France, descend, disent les uns, des anciens comtes de Lyon, mais M. Steyert, dont la compétence en ces matières est incontestable, la croit sortie des seigneurs de Montmelas, au X° siècle. L'histoire de Cluny nous fait connaître, en 936, de nobles et riches personnages, Guichard et Theza, sa femme, qui pourraient bien être ces seigneurs de Montmelas, ancêtres des sires de Beaujeu. Ils donnent à l'abbaye des biens considérables qu'ils possèdent au comté de Mâcon, le village d'Arpayé, avec sa chapelle de Saint-Laurent, ses métairies, vignes, prés, bois et serfs des deux sexes. Ils en conservent l'usufruit, à l'exception de la chapelle, dont ils donnent l'investiture immédiate et pour cela s'engagent à payer aux moines huit muids de vin et de blé (1).

Ce Guichard III, de Beaujeu, vécut de 1100 à 1137 ; fils d'Humbert, il fut un prince de grandes qualités, brave, loyal, et généreux à l'excès, nous dit Pierre le Vénérable. Il reçut avec une grande courtoisie, en son château de Beaujeu, le pape Innocent II, fuyant devant les fureurs de l'anti-pape Anaclet, qui s'était emparé de Rome (2).

Guichard III reçut encore de Guillaume, comte de Chalon, le château de la Bussière, et de Guy Ier, comte de Forez, les droits que ce prince avait sur Perreux et sur Chamelet et sa châtellenie, 1118 (3).

(1) Hist. de l'ordre de Cluny, t. I, p. 208.
(2) Claude Paradin, Alliance généal. p. 1014. Guichard III avait épousé Luciane de Rochefort de Monthery, de qui il eut : Humbert III, qui lui succéda ; Guichard ; Gontier, chanoine de Beaujeu ; Baudoin ; Alix et Marie ; ils sont nommés dans l'acte de fondation de l'abbaye de Joug-Dieu (Hist. des ducs de bourbon, La Mure, 1868, Potier, Paris, Docum. inédits, p. 17, t. III).
(3) Gacon, Hist. de Bresse et Bugey, p. 282. La Mure, Hist. des ducs de Bourbon, Note Steyert, p. 126 et 127.


En même temps il installait solidement sa puissance à Thizy, où il bâtissait le château fort, et y appelait des moines de Cluny, pour fonder un prieuré et travailler à la civilisation du pays.

Cette même année, 1118, Guichard fonda l'abbaye de Joug-Dieu, le 28 juin ; cet acte de fondation mentionne ses enfants : Humbert, Guichard, Gontier, Alix et Marie (1).

Les Le Blanc étaient donc devenus, d'après les transactions que nous venons de citer, vassaux du sire de Beaujeu, qui, maître de la forteresse de Châteauneuf, y tenait garnison. Nous pensons que ce fut alors que fut bâti le château du Banchet, cette ancienne demeure des Le Blanc et sur laquelle fut élevé plus tard le château actuel.

Tout en reconnaissant la suzeraineté du sire de Beaujeu, sur ce fief important, ils conservaient des domaines encore considérables, entre autres Dun et Charlieu, car rien ne vient nous apprendre qu'ils aient cédé également ces seigneuries. Nous les tenons encore pour seigneurs de Charlieu, de ce que le Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon mentionne un illustre personnage de Charlieu, nommé Girard, qui, en 1100, fait baptiser son fils Girard, dans l'église de Châteauneuf. C'est l'évêque de Mâcon lui-même qui fait le baptême. A cette occasion, ce noble seigneur Girard cède à Saint-Vincent de Mâcon sa part de biens sur l'église de Belmont (2). L'importance du personnage, qui, de Charlieu, vient faire baptiser un de ses enfants à Châteauneuf, nous est une preuve sérieuse que c'est la même famille seigneuriale, les Le Blanc, qui possèdent Châteauneuf et Charlieu. Remarquons en passant que ce baptême, le plus ancien connu à Châteauneuf, a été fait dans une église qui existe encore après huit cents ans.

(1) Huillard-Bréolles, titre de la maison de Bourbon. Chart. 2. A. La Mure, id.
(2) Cartul. de Saint-Vincent-de-Mâcon, 510, 531, 607.


Le sire de Beaujeu qui, en 1140, devenait seigneur de Châteauneuf, était Humbert III, dit le Vieux. Il avait à peine vingt ans quand il succéda à son père Guichard III, aussi se livrait-il à ses passions avec toute la fougue de la jeunesse. Il fit le désespoir de l'illustre et bon abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, qui l'aimait comme un père, et qui sans cesse demandait au Ciel sa conversion, comme un miracle.

Le miracle eut lieu et, après une apparition surnaturelle, Humbert partit pour la Terre-Sainte. Au milieu de ses brillantes aventures, il oublia tout, femme, enfants et seigneuries, et se fit Templier. Alors son fougueux et dangereux voisin, Guillaume IV de Mâcon, se jeta sur ses terres avec bien d'autres seigneurs des environs, et la pauvre dame de Beaujeu ainsi que ses deux enfants furent obligés d'implorer le secours d'Heraclius, archevêque de Lyon, et de son frère, Pierre le Vénérable, le bon et saint abbé de Cluny... « autrement sa maison, elle et ses deux enfants en bas âge étaient menacés d'une grande ruine » (1).

Mais, pendant que les deux prélats interposaient leurs bons offices pour faire revenir Humbert, et lever les vœux qu'il avait contractés en entrant dans la milice du Temple, le preux chevalier reparaissait soudain plus impétueux et plus terrible que jamais. Il se jette aussitôt sur le comté de Mâcon, et a bientôt réduit à merci le comte félon, qui avait profité de son absence pour lui faire une guerre déloyale, il agit de même envers son vicomte, le seigneur de Dun, « ces loups dévorants, qui cherchaient nuit et jour à piller les terres de leurs voisins et des abbayes », comme l'avait écrit Pierre le Vénérable au grand maître des Templiers (2).

(1) Guillaume Paradin, Hist. de Lyon, p. 406. Humbert III le Vieux (Senior) épousa Alise, fille d'Amé III, comte de Savoie. Il fut père de : Guichard, mort en 1164 ; Humbert IV le Jeune (Junior), qui participa au gouvernement de la Sirerie avec son père ; Hugues. La Mure, Hist. des ducs de Bourbon, p. 18, p. III. Doc. inéd.
(2) Lorain, Hist. de l'abbaye de Cluny, p. 410-413.


Ce vicomte était Archambaud Le Blanc, qui était d'autant plus coupable que par son fief de Châteauneuf il était vassal du sire de Beaujeu.

Vaincus l'un et l'autre par Humbert de Beaujeu, un traité de paix survint qui rétablit un peu de tranquillité dans le pays. Nous voyons même, quelques années plus tard, 1156, le sire de Beaujeu faire alliance avec Gérard de Mâcon, fils et successeur de Guillaume IV, ainsi qu'avec son vicomte, pour faire tous trois une nouvelle guerre à l'Eglise et aux monastères.

Tel était l'état de ces régions en ce temps où l'autorité du roi de France était si peu respectée. L'anarchie la plus complète régnait parmi ses puissants vassaux, dont rien n'égalait l'orgueil et la cupidité.

L'Église était alors le seul défenseur des petits et des faibles, les protégeant de ses armes spirituelles et travaillant à ramener la concorde entre ces bouillants chevaliers.

Cette fois ce fut en vain que le pape Adrien IV, informé de ces vexations sans nombre, mande aux archevêques de Lyon, de Besançon, aux évêques de Chalon et de Mâcon de s'opposer à ces rapines et violences. Prières et menaces restent sans effet, les foudres de l'Église sont méprisées (1).

Louis VII, appelé sans cesse par les cris des opprimés, se rend enfin avec ses troupes à Chalon où il établit son lit de justice. Il y reçoit les plaintes des monastères et de l'Eglise, fait citer devant lui le comte de Mâcon et ses alliés et les force par ses menaces à renoncer à leur vie de brigandages (2).

(1) De La Rochette, Hist. des évêques de Mâcon, t. XI, p. 167.
(2) Id., t. II, p. 174 et suiv.


Le roi fait son possible pour ramener la paix, si profondément troublée, parmi ses grands vassaux, qui se faisaient depuis longtemps une guerre acharnée : ils conclurent enfin un traité de paix que ratifia le roi et qui fut signé à Vinzelles, près Mâcon, en 1172 (1).

En même temps, Louis VII prenait sous sa protection spéciale le prieuré d'Ambierle et toutes les possessions de Cluny en Mâconnais pour les défendre contre les agissements de Artaud III Le Blanc, vicomte de Mâcon et neveu d'Archimbaud (2), qui n'était guère moins entreprenant et féroce que le comte de Mâcon.

Pierre le Vénérable raconte que ce fut un temps de troubles et de grandes misères pour les moines de Cluny. Aussi contribuèrent-ils à répandre une terrible légende au sujet du comte Geoffroy de Mâcon, excédant en malice les brigands eux-mêmes, enlevant aux églises possessions et revenus, chassant les chanoines de leurs collégiales et les moines de leurs cloîtres (3).

(1) Severt, Episc. Matisc., p. 142. Hist. des évêques de Mâcon, t. III, p. 183.
(2) Biblioth. Cluniae., col. 925, Chart. de Cluny, n° 1321.
(3) Voici cette légende, qui resta longtemps gravée dans la mémoire des peuples et que nous donnons ici pour intéresser nos lecteurs : « Un jour que le comte Geoffroy tenait un plaid dans son palais de Mâcon, au milieu de nombreux chevaliers, guerriers et bourgeois, un chevalier couvert d'une sombre armure, inconnu de tous, paraît tout à coup. Perçant la foule, il pousse son cheval droit au comte Geoffroy et d'un geste menaçant lui ordonne de le suivre. Le comte, attiré comme un aimant invincible se lève, le suit au dehors de l'enceinte, comme frappé de terreur. Là se trouvait un cheval tout sellé, sur lequel l'inconnu lui commande monter. Dès que le comte eut saisi les rênes, le coursier part avec la rapidité d'une flèche, en suivant le mystérieux chevalier, et disparut aux yeux des habitants épouvantés que le malheureux appelait en vain à son secours. Jamais on ne le revit et il ne fut un doute pour personne que c'était Satan lui-même qui emportait le comte dans les enfers. En horreur d'un pareil prodige, les habitants de Mâcon murèrent la porte par laquelle le comte était parti avec son mystérieux compagnon. »


Cluny, qui se voyait sans cesse menacé en ses biens par ses terribles voisins, avait cherché à s'attirer la protection du roi en lui permettant d'occuper, par ses hommes d'armes, toutes ses places fortes ou châteaux, à condition qu'il ne s'en dessaisirait en faveur d'aucun autre. Le roi n'eut garde de refuser un traité qui lui donnait tant de puissance en Mâconnais, espérant bien y gagner des concessions plus importantes par la suite. En effet, vers 1166, Cluny cédait à Louis VII la moitié de la seigneurie de Saint-Gengoux, à la charge de défendre les biens de l'abbaye dans toute cette région. Ce fut la première origine du baillage de Saint-Gengoux, qui prit alors le nom de Saint-Gengoux-le-Royal (1).

(1) Thiollier, L'Art roman en Brionnais, p. 18.


Les effets de l'intervention du roi de France ne furent pas de longues durées. Humbert III de Beaujeu, seigneur de Châteauneuf, fut un prince rusé et perspicace comme son père Guichard. Il était resté dans ses domaines au lieu d'aller à la Croisade, laissant partir ses voisins, les aidant au besoin pour subvenir aux frais de leurs voyages.

Il demeurait dans son castel de Beaujeu, solidement bâti sur cette colline abrupte, dominant la ville actuelle, qui n'existait qu'en partie. Il tenait également garnison dans les forteresses de Châteauneuf, de Perreux et de Thizy.

Dès que le roi se fut éloigné, Humbert III et son fils Humbert IV, vers 1180, font de nouveau alliance avec les comte et vicomte de Mâcon, et de concert avec le comte de Chalon, pille les prieurés, les monastères et les églises. Ils occasionnent tant de maux que les cris des opprimés arrivent de nouveau au roi de France, Philippe-Auguste. Ce roi chevaleresque, qui aimait ses peuples et s'efforçait de faire régner la justice, entend les plaintes de ses sujets et accourt à la tête de vaillantes troupes. Il repousse les comtes ligués contre lui, et les force à se réfugier dans leur redoutable forteresse du Dun où il va les assiéger.

Voici comment le racontent les Grandes Chroniques :

« En celle année (1180), qui fut la première de son couronnement, au quinzième an de son âge, troublèrent en telle manière saincte Eglise les fils d'iniquité : c'est à savoir : Humbert de Beaujeu, les comtes de Chalon et Mâcon, contre les chartes et monuments royaux dont les rois avaient affranchi les églyses, et leur firent maints griefs et maints dommages. Les clercs et religieux firent savoir celle chose au roi en complaignant.

« Quant il sut celle chose, il fut emeu et entalente de la honte vengier. Il entre bientôt en leurs terres avec son armée, tout destruit, gasta et prist proies. Si vertueusement les refraint et dompta qu'il les contraint à rendre aux églyses et prieurés tout quant qu'ils leur avaient tolu par force, et rendi la paix temporelle aux religieux ; à leurs oraisons se offri et recommanda, puis s'en reparti (1). »

C'est ainsi que furent réprimées les rapines d'Humbert le Jeune, prince de Beaujeu (2), de Guillaume II de Chalon, de Girard de Mâcon et d'Artaud III Le Blanc, son vicomte (3).

(1) Grandes chroniq. de France, Paris, Techener, 1837, vol. IV, p. 9.
(2) A. Bernard, Cartul. de Savigny, chart. 941. « En cette guerre est particulièrement cité Humbert le Jeune qui, usant de violence envers son père, s'était emparé en partie du gouvernement du Beaujolais. Il mourut avant son père, en 1189, laissant d'Agnès de Thiern, sa femme, Guichard IV, qui succède et Alix mariée à Renaud de Nevers, comte de Tonnerre. » La Mure, id., p. 18.
(3) La charte 4312 du Cartulaire de Cluny, t. V, renferme une bulle d'Urbain III où Artaud Le Blanc, vicomte de Mâcon, est désigné comme seigneur de Châteauneuf, 1186-1187. Recueil des Chartes de l'abbaye de Cluny, t. V, ch. 4312 : Bulla Urbani papa III, qua confirmat transacttiones factas interconventum Sancti Salvatoris Nivernensis Petrum que comitem Niversensem, et inter prioratum de Amberta Artaldumque Album, dominum Castri novi. » Bib. Nat. lat, nouv. acq., 2265. N°13 ; anno 1186-1187, 23 août.


Philippe-Auguste les avait poursuivis jusqu'à ce repaire de Dun (Saint-Racho), forteresse qui passait pour imprenable. Rien ne put résister à la valeur du roi et de ses vaillants chevaliers ; pressés de toutes parts, les assiégés, sur le point d'être pris, se rendirent et firent leur soumission au roi, qui rétablit sur eux son autorité royale. Mais Philippe-Auguste ne voulut pas laisser exister une forteresse si redoutable où pourraient encore se réfugier ses ennemis, il la fit raser et détruire de fond en comble, ne laissant exister que l'église, qui resta comme église de Saint-Racho et lieu de pèlerinage. Quoique rétabli en partie plus tard, comme chef-lieu de châtellenie, cet antique château n'a jamais pu redevenir redoutable, et, pendant les guerres de religion au XVI° siècle, il sera complètement détruit pour ne laisser que les ruines que l'on voit aujourd'hui. Jusque-là il avait été le château-fort le plus important du Mâconnais par sa situation sur cette haute montagne d'un accès très difficile. A l'entour était bâtie une ville fortifiée, formant avec la forteresse toute une place forte appelée Castrum Dunum, Château-Dun. Le pays à l'entour était désigné sous le nom de Regio-Dunum ou Pagus Dunensis, du nom de ce château, la plus forte place de guerre des comte et vicomte de Mâcon, qui de là commandaient à toute la contrée (1).

(1) L'Art roman en Brionnais donne des détails fort intéressants sur cette forteresse, p. 71. La Teissonnière, Recherch. histor., vol. IV, p. 17. Michaud, Hist. du Beaujolais, Revue du Lyonnais, t. XXV, p. 26-27.


Le roi de France se montra particulièrement sévère pour le vicomte de Mâcon, qui avait donné asile en sa forteresse de Dun aux grands vassaux révoltés.

Il le dépouilla de la plus grande partie de sa vicomté et le força à renoncer à ses injustes prétentions sur le prieuré d'Ambierle, prétentions qu'il avait voulu maintenir malgré la protection du roi de France (1). Les vicomtes de Mâcon étaient dans le principe gardiens de ce prieuré, dont le prieur était seigneur du lieu avec toute justice ; mais il paraît que ces nobles protecteurs en étaient moins les gardiens que les déprédateurs. Aussi, en 1169, à la demande du prieur Artaud et d'Etienne, abbé de Cluny, Louis VII avait déjà pris le monastère sous sa protection spéciale (2). Or comme le roi était loin, le vicomte ne renonça pas de bonne grâce à ses prétendus droits, il y eut luttes et contestations encore longtemps. Puis, par un accord passé, le 1er septembre 1180, avec Thibaud, abbé de Cluny, il abandonnait à celui-ci, en réparation des maux nombreux qu'il avait causés, non seulement la garde d'Ambierle, mais encore les possessions et fiefs qu'il avait en ce lieu (3). Ce fut sur l'ordre du roi de France, comme nous venons de le dire.

(1) A. Bernard, add. à l'Hist. de Charlieu, p. 10. Arch. Nation. p. 1388, C 65. Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, n° 15.
(2) Menestrier, Hist. consul. de Lyon, p. 399.
(3) A. Bernard, Vicomtes de Mâcon, revue Forézienne, t. I, p. 168. Nous n'avons pu découvrir qu'elles étaient les armes des Le Blanc.


Ainsi par cette course guerrière Philippe-Auguste mit à la raison ces grands feudataires du Mâconnais et du Beaujolais et rétablit en cette région les droits de la couronne.

Charlieu, avant d'appartenir aux Le Blanc, était au IX° siècle à l'Eglise de Lyon et n'en aurait été sépare que par la formation du Beaujolais, au X° siècle. D'après M. A. Bernard, dans son addition à l'histoire de Charlieu, le roi avait déjà aux portes de cette ville un domaine, qui appelait souvent son attention à cause des attaques de ses turbulents voisins. Ce domaine de la couronne possédé jadis par le roi Bozon, et qui avait passé, de ses successeurs rois de Bourgogne, au roi de France, devint alors le noyau de la nouvelle châtellenie de Charlieu, et A. Bernard veut aussi que, lors de cette guerre avec Philippe-Auguste, Charlieu fût au nombre des possessions des Le Blanc, dont ils furent dépouillés.

Quoi qu'il en soit, nous avons la preuve que Charlieu devint alors châtellenie royale, par l'acte de pouvoir que fait Philippe-Auguste en 1181, et il est à croire qu'il en fut de même pour Châteauneuf.

Etant à Bourges, il accorde au monastère de Charlieu, que gouvernait le prieur Artaud, une charte confirmant les privilèges et immunités du monastère et le plaçant à jamais sous sa protection. Une autre charte du même roi, en 1210, le prouve également ; il s'y engage envers les nobles et bourgeois de cette ville à ne point laisser sortir de ses mains ce qu'il possède à Charlieu et dans les environs et à le maintenir uni à perpétuité au royaume et couronne de France (1). Déjà, en 1183, l'abbé Théobald avait remis les biens de l'abbaye de Cluny à Charlieu, sous la protection du roi de France, et fait construire autour du prieuré de fortes murailles ; cela sous la direction des ingénieurs envoyés par Philippe-Auguste pour construire l'imposant donjon qui domine encore cette cité (2).

(1) A. Bernard, add. à l'hist. de Charlieu, p. 10. Arch. nation., p. 1388 cote 65. Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, n° 15. Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 17, 18, 19.
(2) A. Bernard, add. à l'hist. de Charlieu, p. 11. Origine du Lyonnais en Forez, par Vincent Durand.


Toutes ces possessions et droits royaux paraissent alors avoir été placés sous l'autorité supérieure du bailli de Bourges, où ils demeurèrent jusqu'en 1238. Saint Louis ayant acquis à cette époque le comté de Mâcon, le bailli de cette ville vit entrer dans son ressort Charlieu, qui n'avait pas assez d'importance pour former un bailliage, restant simple prévôté ou châtellenie, qui comprenait dix-huit paroisses dont une seule, Saint-Nizier-sous-Charlieu, était de la justice du roi, toutes les autres étaient de celles des seigneurs particuliers auxquels elles appartenaient (1).

Pendant toutes ces transactions Châteauneuf continua à faire partie du domaine des sires de Beaujeu, qui resta maître de la forteresse après avoir reconnu la suzeraineté du roi de France. Ce sire était Humbert le Jeune qui meurt en 1189, laissant sa sirerie à son fils Guichard, qui succède également à Humbert le Vieux, mort après son fils, vers 1192.

Artaud III Le Blanc, dépouillé de Châteauneuf et de Charlieu, obéissant à un sentiment de repentir très commun en ces temps de foi, pour racheter ses nombreux méfaits, donne une partie des biens qui lui restaient à l'abbaye de la Bénissons-Dieu ; le comte de Forez, Guy III, confirme cette donation en 1202 (2). Il meurt alors laissant le reste de ses domaines à son fils Archimbaud, qui meurt en 1220, comme l'atteste l'obituaire d'Ambierle.

On l'a regardé généralement comme le dernier de sa race, de cette illustre famille des Le Blanc ; cependant A. Bernard le suppose père des seigneurs Renaud et Ulrich, qui donnèrent à Guy IV de Forez, en 1220, tout ce qu'ils possédaient sur la rive gauche de la Loire, ils sont dits dans cet acte fils de feu le vicomte de Mâcon (3).

(1) L'Art roman en Brionnais, p. 20. Mémoires sur la généralité de Lyon, par d'Herbigny, 1698.
(2) La Mure, Hist. des ducs de Bourbon, t. I, p. 185.
(3) A. Bernard, Essai, p. 168. Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 19, note.


Quelle famille succéda aux Le Blanc alors à Châteauneuf comme vassale du sire de Beaujeu et possesseurs du Banchet ? Nous croyons que ce fut celle des de Châteauneuf.

Humbert le Jeune, maître de Châteauneuf, sut augmenter considérablement ses états (1), qu'il gouverna avec habileté, conjointement avec son père, Humbert le Vieux, jusqu'en 1189, époque de sa mort (2).

(1) Louvet, Hist. du Beaujolais, 4° partie, ch. VII.
(2) C'est Humbert le Vieux, de concert avec son fils Humbert le Jeune, qui fonda la ville de Villefranche ; Tous deux lui accordèrent de grands privilèges et franchises, d'où la ville naissante tira son nom. Ces franchises furent jurées par ces deux princes devant vingt chevaliers de leurs états (La Carelle, Hist. du Beaujolais, t. II, p. 226, 227.)


Citons le parlé de ce temps à propos des armes de Beaujeu :

Un lion nai au champ d'or a
Les ongles roges et la quoua reuversa,
Un Lambey roge sur la joua
Y sont les armes de Béjoua.
(Courtépée.)

Armes des sires de Beaujeu

Alors le vieux sire de Beaujeu, renonçant aux choses de ce monde, vécut dans la solitude les trois dernières années de sa vie, laissant toute la direction du pouvoir à son petit-fils Guichard.

Châteauneuf, devenu chef-lieu de châtellenie, avait un capitaine châtelain nommé par le sire de Beaujeu, qui y entretenait garnison.

Il eut à lutter, en 1202, contre des bandes de malandrins qui désolèrent le Mâconnais. Philippe-Auguste, pour résister aux Anglais et à l'empereur Othon ligués contre lui, avait appelé à son secours tous ses grands vassaux. La région qui nous occupe se trouva donc dégarnie de troupes et de ses chevaliers. Alors des corps de bandits, profitant de la faiblesse des habitants et de ce que châteaux et forteresses n'avaient qu'un nombre insuffisant de défenseurs, envahirent les environs de Mâcon et parcoururent toutes les campagnes, commettant d'horribles désordres, saccageant et brûlant châteaux, églises et prieurés. Ils vinrent jusque sous les murs de Châteauneuf, mais ne purent s'emparer du redoutable donjon. L'évêque de Mâcon, Ponce de Thoire, se mit alors à la tête de la résistance pour délivrer ses ouailles de ces affreux bandits. Réunissant hommes d'armes et chevaliers qui étaient encore dans le pays, ainsi que la milice de Mâcon, il appelle à son secours Ulric de Bagé, qui était un chevalier valeureux et redouté.

Il parcourt les campagnes, poursuit les hordes de ces malandrins partout où elles lui étaient signalées et parvient à les détruire ou à les chasser hors de son diocèse (1).

(1) De La Rochette, Hist. des évêques de Mâcon, t. XI, p. 209.


Nous voici arrivés à l'époque où le comté de Mâcon passe en la possession du roi de France. Le vieux comte Girard avait vu mourir son fils, Guillaume, qui ne laissait qu'une fille, Alice. Il la maria à Jean de Brennes ou de Dreux, comte de Narbonne, 1230. Jean de Brennes, poussé par l'ambition, entra dans une vaste conspiration contre la reine Blanche de Castille. Ceci fut la cause d'une suite d'événements qui amena la déchéance de Jean de Brennes. Vaincu par le roi Louis IX et dépouillé de toutes ses places fortes, il résolut d'aller en Terre Sainte se consacrer à la défense des Lieux Saints. Il fit donc proposer au roi par l'évêque de Mâcon, Aymond, de lui acheter son comté, marché qui fut conclu au prix de 10.000 livres et une pension viagère de 2000 livres par an, 1238 (1). C'est à partir de cette époque que les châtellenies de Charlieu, Châteauneuf, Dun et Bois-Sainte-Marie prirent une réelle importance et furent sérieusement organisées.

Le roi établit aussitôt un grand bailliage à Mâcon qui n'eut pas les mêmes limites que le comté, puisque nous trouvons Charlieu, chef-lieu d'une prévôté royale, relever du bailliage de Mâcon, ainsi que les châtellenies de Bois-Sainte-Marie, de Dun et de Châteauneuf (2). Châteauneuf devient de ce jour une châtellenie, relevant du bailliage et présidial de Mâcon, et comprenant les bourgs et villages de Châteauneuf, de Coublanc, de Saint-Igny-de-Roche, de Ligny, de Tancon, de Saint-Laurent en Brionnais, de Fleury-la-Montagne, de Chauffailles, de Chassigny-sous-Dun, de Saint-Martin-de-Lixy, de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf, de Beaudemont, de Vauban et d'Azolette.

Mais nous ne pouvons affirmer que toutes ces localités firent, dès le principe, partie de la châtellenie de Châteauneuf, il est certain que par la suite elles lui appartinrent. Cependant la terre de Châteauneuf était encore en possession du sire de Beaujeu, à titre de fief royal, cela nous est prouvé par un acte tiré des Titres de la Maison de Bourbon. Il y est dit que le 13 septembre 1247, le sire de Beaujeu reçoit quittance de Pierre de la Balme en Verromeys, d'une somme de 50 livres, qu'il lui avait prêtée et qui était hypothéquée sur la terre de Châteauneuf (3). Il semble plausible que ce soit notre Châteauneuf.

(1) De La Rochette, Hist. des évêques de Mâcon, t. XI, p. 232, 235. Gacon, Hist. de Bresse et Bugey, p. 38.
(2) Th. Chavot, Sevelinges, Hist de Charlieu, p. 147, 244, 301.
(3) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 269. M. Monier, dans l'Annuaire administratif et statistique du département de Saône-et-Loire pour 1859, veut que Louis IX ait cédé la châtellenie de Châteauneuf au comte Jean, qui l'aurait cédée lui-même, en 1239, à Hugues IV, duc de Bourgogne, nous n'avons trouvé trace de ces transactions.


Ce sire de Beaujeu était Humbert le Connétable, fils de Guichard et de Sybille de Flandre (1).

(1) Humbert V le Connétable, qui avait succédé à son père Guichard IV, en 1216, meurt le 21 mai 1250, laissant de sa femme Marguerite de Baugé : Guichard V, qui succède ; Isabelle, mariée à Simon de Luzy ; Sibylle, mariée à Aynard de Poitiers ; Béatrix, mariée à Robert de Montgascon ; Marguerite et Jeanne. La Mure, id., t. III, p. 19. Documents inédits, Guigue.


Il paraît que ce fut cette année même que le sire de Beaujeu perdit la terre de Châteauneuf par une transaction, que nous ne connaissons pas. Louis IX en redevient possesseur, et, en 1248, il visite son comté de Mâcon et ses châtellenies de Charlieu, Châteauneuf, Dun et Bois-Sainte-Marie. Après avoir logé dans sa bonne ville de Charlieu, la tradition veut qu'il soit venu à Châteauneuf engager les chevaliers et seigneurs du lieu à le suivre en son expédition d'Egypte.

Il aurait logé au château du Banchet, et là, pour se montrer au peuple accouru de toutes parts, il aurait fait choix d'une des croisées de la salle de justice, qui se trouvait bâtie au chevet de l'église. De cette ouverture, s'ouvrant à l'ouest, on dominait toute la ville, et particulièrement une terrasse qui devait s'étendre au-dessous et que des constructions modernes couvrent actuellement. C'est de là qu'il aurait parlé au peuple et aux chevaliers du lieu pour les entraîner dans sa guerre d'outre-mer. Il n'est pas douteux que nobles et hommes d'armes de toutes conditions n'aient obéi à cette ardente parole et n'aient suivi le roi. On conserve encore précieusement cette fenêtre, à laquelle aurait apparu le saint roi, elle sert actuellement à éclairer la nouvelle sacristie. En même temps Louis IX donnait à son frère Robert le comté de Charolles, et les habitants de Châteauneuf s'empressaient de mettre sur les portes de leur ville les armes du roi de France et de donner à une des plus grosses tours, qui défendait au sud-ouest les approches de la forteresse, le nom du comte Robert, nom qu'elle porte encore aujourd'hui. Toutes les fortifications furent réparées et augmentées par les ordres du comte Robert et Châteauneuf devint plus que jamais une place de guerre importante (1).

Robert suivit l'année suivante le roi à Damiette et périt à la bataille de Mansourah, en 1250, où saint Louis fut fait prisonnier.

Le roi avait créé une châtellenie à Dun (Saint-Racho), ce fut de ce jour que Dun prit le nom de Dun-le-Roi. Une partie de l'ancienne forteresse, détruite par Philippe-Auguste, fut rétablie, nous en trouvons la preuve en ce que Courtépée dit avoir vu au château de Dun-le-Roi la salle des quatre chevaliers ; ainsi nommée parce que c'était le lieu où se réunissaient les seigneurs de Dun, de Chavannes, de Colanges et de Châteauneuf pour s'entendre sur leurs excursions militaires (2). Dun sera de nouveau ravagé pendant les guerres de religion de telle sorte, nous dit Saint-Julien de Balleure, qu'en 1581, « de toute l'antique ville de Dun-le-Roy en Masconnais, il ne reste quasi plus que l'église et le presbytère d'une parochiale dépendant du chapitre d'Aigueperse en Beaujolais » (3).

(1) Monier, Ann. adm. et stat. pour 1859.
(2) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 71.
(3) Nous renvoyons nos lecteurs aux charmants articles qui ont parus dans le Journal de Saône-et-Loire, le ... juillet et le 5 août, intitulés Dun-le-Roi. L'auteur, qui se cache sous le nom Le Touriste et sous les initiales P. M., vous fera passer une heure des plus intéressantes en vous faisant connaître histoires et légendes ce ces vieilles ruines. Citons Courtépée : « Je fus le samedy, 4 octobre, diner à Saint-Racho, dont le curé me conduisit sur la haute montagne de Dun-le-Roi. Je payais bien, par la chaleur et la fatigue, la vue admirable dont je jouis. On découvre de là les Alpes, le mont Cenis, le mont Blanc... Dun était une ancienne forteresse, Castrum, son nom celtique Dunum, annonce son antiquité. On n'y voit qu'une vieille église interdite, la salle des Quatre Chevaliers, et la place des deux portes de Mâcon et de Saint-Laurent. Tout fut ruiné par Philippe-Auguste en 1181, dans la guerre des comtes de Chalon et des sires de Beaujeu. L'église, autrefois paroissiale, a été transférée à Saint-Racho, en 1710, par M. de Malzac » (p. 168-170. Voyage de 1776-77.)


Et cela était encore ainsi au XVIII° siècle. En 1735, le curé de Dun-le-Roy est messire Pierre Botton, chanoine d'Aigueperse, il apparaît comme témoin à l'acte de décès de messire Nicolas-Marie de Montrichard de La Vendenesse, enterré le 14 janvier 1735 dans la chapelle de sainte Barbe, au tombeau des seigneurs de La Brosse. Signé : Guillin, curé (Saint-Igny-de-Vers, Registre).

Le roi saint Louis, en créant le grand bailliage de Mâcon d'où devaient dépendre le Mâconnais, le Forez, le Lyonnais, le Beaujolais et une partie de la Bourgogne, mettait à sa tête Guy de Chevriers, un des protégés de la reine Blanche. La juridiction de ce bailli était considérable, elle s'étendait aux causes des justiciables des vassaux et des seigneurs du pays, et aussi à celles qui autrefois ne relevaient que de la juridiction des comtes de Mâcon. La sénéchaussée de Lyon devait ressortir au bailliage de Mâcon, avant la création duquel les causes étaient portées devant le siège primatial de l'archevêque, qui va bientôt perdre tous ses droits (1).

(1) De La Rochette, Hist. des évêques de Mâcon, t. II, p. 253.


Nous ne trouvons aucun acte royal qui ait rapport à Châteauneuf jusqu'en 1304, où le roi Philippe le Bel cède la terre de Châteauneuf au duc Amédée de Savoie. Il est dit qu'il lui fait cession de cette terre de Châteauneuf, au bailliage de Mâcon, en compensation du château de Montrevel, qui avait été pris au duc (1).

Cette cession ne fut pas de longue durée et il n'est pas à croire que le duc y soit jamais venu, il fit administrer ce domaine par ses officiers qui en touchaient les revenus.

En 1311, le roi en était redevenu le maître ; en effet, après ses démêlés avec l'archevêque de Lyon, lorsqu'il dépouilla Pierre de Savoie de tous ses droits temporels sur le Lyonnais par le traité de Vienne, avril 1312 (2), il lui donnait en compensation les terres de Bois-Sainte-Marie et de Châteauneuf en Beaujolais, tout en conservant ses droits de suzerain sur ces deux châtellenies (3).

(1) Arch. Côte-d'Or, vol. I. B, 614. Liasse de 1304 à 1370.
(2) Revue du Lyonnais, 1875. Arch. du Rhône.
(3) Revue du Lyonnais, p. 34, 1875.


Le 27 décembre 1312, le roi Philippe le Bel désigna à ses délégués ou plutôt aux arbitres, les terres qu'il avait l'intention de livrer à l'archevêque. Ces terres furent au bailliage de Mâcon : Châteauneuf et Bois-Sainte-Marie, plus le fief et maison de Guichard de Marzé appelé Aly (Alix près Anse). Châteauneuf et Bois-Sainte-Marie, nous dit Boutade dans la France sous Philippe le Bel, p. 452, étaient du bailliage de Mâcon, il s'y trouvait au moins deux châteaux royaux.

L'archevêque Pierre de Savoie accepta ces terres que lui désignaient les arbitres, tout en regrettant qu'elles fussent ainsi disséminées. Mais le roi, en choisissant des propriétés si éloignées les unes des autres, le faisait à dessein, afin d'éviter de reconstituer à l'Eglise de Lyon un pouvoir temporel qui serait devenu inquiétant. Le roi cependant promet à l'archevêque de lui donner un jour d'autres terres en leur place, plus près du Lyonnais.

L'archevêque, mécontent, donna des instructions secrètes pour faire traîner les choses en longueur ; il part lui-même auprès du duc de Savoie. Amédée-Guillaume de Plasian, chargé par le roi de traiter cette affaire, fait prévenir l'archevêque de son arrivée à Lyon. Pierre de Savoie n'en fait cas et se dérobe. L'envoyé du roi fait prévenir Pierre de Caux, le vicaire-général de l'archevêque et Jean Bertrand le procureur archiépiscopal, d'accomplir enfin le traité, en recevant officiellement les châteaux désignés ci-dessus. Il était en mesure de les leur remettre ayant à ce sujet les lettres du roi, adressées au bailli de Mâcon, le 2 janvier 1313.

Ils demandent un délai, que Plasian leur accorde, jusqu'au 23 février 1313.

Nous voyons au bas de ces actes la signature de Girard de Châteauneuf, gardiateur au bailliage de Mâcon. Enfin en 1313, l'archevêque avait accepté toutes les terres que le roi lui avait offertes en 1312, à l'exception du domaine de Sully (1).

Le capitaine châtelain de Châteauneuf était à la nomination royale, et nous croyons qu'à cette époque c'était la famille même de Châteauneuf qui était titulaire de cette charge. Peut-être occupait-elle le fief et seigneurie du Banchet, depuis la disparition des Le Blanc.

En 1312, Girard de Châteauneuf fait hommage de fiefs pour les biens qu'il possède sur la châtellenie (2).

(1) P. Bonnassieux, Réunion du Lyonnais à la France (Rev. du Lyon., t. XIX, 3° série, année 1875, p. 34).
(2) Arch. Côte-d'Or, t. V, B. 10.492.


Les de Châteauneuf nous sont signalés, en 1269, dans une charte de la maison de Bourbon, en la personne de Pons de Châteauneuf, dont le fils Guillaume touche cens et servis sur les terres du seigneur Roche (1). Pierre de Châteauneuf signe en ce temps la donation, que fait Edouard V de Beaujeu, à sa jeune épouse Marie, fille de Jean de Thil en Auxois, à titre d'apanage, des châteaux de Julliénas et de Chenas en Beaujolais (2).

En 1338, en une autre transaction apparaît Hugues de Châteauneuf (3) ; et en 1382, Robert de Châteauneuf est prieur de Saint-Jean de Jérusalem en Auvergne (4).

(1) Huillard-Bréolles, Titr. de la mais. de Bourbon, chart. 493.
(2) Id., chart. 2006. Malgré certaines probabilités nous ne pouvons être assurés que tous ces de Châteauneuf soient membres de la famille qui nous intéresse.
(3) Id., chart. 2196.
(4) Id., chart. 3501.


Les armes de cette famille étaient, croyons-nous : d'or à l'étoile de gueules à huit raies ; mais nous ne pouvons rien assurer de positif sur ces Châteauneuf.

Armes de Châteauneuf en Brionnais

En ce XIII° siècle apparaît aussi à Châteauneuf une autre noble famille chevaleresque, qui posséda des charges importantes dans la châtellenie ; ce sont les de Villon, qui eurent à Châteauneuf, à Chauffailles, à Belmont, de nombreux domaines. Le hameau de Villon et le moulin de ce nom existent encore près de Chauffailles sur le Bottorey. Peut-être les Villon sont-ils originaires de Saint-Cyr-de-Favières, près de Roanne, et dont une branche posséda longtemps la seigneurie de ce village, qui voit encore leur château. Il était construit sur le bord d'un joli étang, qui porte le nom d'Étang-Villon. Entouré de beaux arbres, il est précédé d'une longue avenue et possède des souvenirs historiques intéressants (1).

Les armes des de Villon de Châteauneuf et de Chauffailles étaient : de gueules au sautoir d'or (2).

Armes de Villon

En 1296, 21 janvier, Etienne de Villon figure comme témoin en une transaction passée entre Eléonore et Guichard de Beaujeu, son frère, tous deux enfants de Louis de Beaujeu décédé (3).

Girardin de Villon, dit Chufflet, et sa femme Marguerite, avaient vendu à Geoffroy Maréchal, père d'Hugonin Maréchal, le fief de Varennes sur les bords de l'Arconce ; ce dernier le revend, le 15 avril 1322, à Guichard de Beaujeu, moyennant cent livres tournois. Ce fief consistait en des redevances et droits divers sur les paroisses d'Oyet (près de la Clayette), d'Amanzé (près de Chauffailles), de Saint-Germain, de Dio, de Valheilhes et de Saint-Symphorien de Guinchet (4).

Cette famille Maréchal de Varennes portait : d'or à la bande de gueules accompagnée de six coquilles en orle d'or. Alias : chargée de trois coquilles du champ (5).

(1) Abbé Prajoux, Saint-Cyr-de-Favières, Chorgnion, Roanne, 1892, p. 108.
(2) Gras, armorial du Forez.
(3) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 954.
(4) Id., chart. 1635.
(5) Gras, armorial du Forez.


Renaud de Villon, possessionné à Châteauneuf et à Belmont, eut un fils Pierre, qui porta le titre de chevalier, ce qui place cette famille au nombre des races chevaleresques de l'époque. Il eut sept filles, dont l'aînée, Béatrix, épousa Hugonin Groignon, d'une famille chevaleresque du Forez, et qui porta par la suite le nom de Senesche ou Senoche, de la terre de ce nom. Elle possédait la seigneurie de Bléternay.

En 1258, Alix, veuve de Guillaume Groignon de Senesche, chevalier, ayant de lourdes charges et des dettes à payer par suite de la mort dudit chevalier, avait été autorisée par Albert de la Forêt, lieutenant du comte de Forez, à vendre au nom de ses enfants mineurs, à Pierre et à Ponce de Saligny, bourgeois de Saint-Hâon-le-Châtel, la terre en franc-alleu de Bléternay, au prix de 50 livres viennois (1).

Béatrix de Villon, femme d'Hugonin Groignon, vend, en 1330, à Jean, comte de Forez, rentes et cens sur le bois du Bochet à Montrond (2).

La seconde fille de Renaud de Villon, Catherine, épousa Lancelot de Varennes ; ses autres filles furent Marguerite, Alice, Simonde, Renaude et Isabelle (3). Le Laboureur cite également Antoinette de Villon qui épousa Jean d'Amanzé, seigneur de Chauffailles (4).

(1) Vachez, Hist. de l'acquisit. de Terres nobles par les Roturiers, Lyon, L. Brun, 1891, p. 20.
(2) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 1937.
(3) Mazures, t. I, p. 680.
(4) Id., t. II, p. 204.


Les de Villon disparaissent du pays vers le XVI° siècle, ils sont cependant toujours au château de Villon à Saint-Cyr-de-Favières. En 1584, le sieur de Villon à Saint-Cyr était Jehan de Villon ; en 1606, c'est Antoine de Villon, également nommé Antoine Tricaud, sieur de Villon. Il est à présumer que les de Villon s'éteignirent en les de Tricaud qui épousèrent la dernière des de Villon. Cette famille de Tricaud a gardé cette terre jusqu'en 1715, époque où elle la vendit aux Desvernay. Maintenant (1893), ce petit fief appartient à M. de Vangel, qui garde avec un soin jaloux les vestiges antiques et les quelques arbres qui restent des ombrages magnifiques d'autrefois (1).

Catherine, fille de Renaud de Villon et de Marguerite de Marzé, épouse de Lancelot de Varennes, fait son testament, en novembre 1348. Elle veut être enterrée en l'église des Frères Prêcheurs à Lyon, donne au curé de Lucenay, où son mari avait de grands biens, 5 florins d'or. Elle donne ses biens à sa mère, Marguerite de Marzé et à son frère Pierre de Villon, chevalier (2).

L'archevêque de Lyon ne garda pas longtemps le domaine de Châteauneuf, le roi en était redevenu possesseur vers 1348. En 1349, Philippe VI donne à Edouard de Beaujeu, le château et ville de Châteauneuf en Mâconnais par lettres patentes de mars 1349 (3).

(1) Prajoux, Saint-Cyr-de-Favières, p. 8.
(2) Mazures, t. I, p. 680.
(3) Louvet, Hist. du Beaujolais, manuscrit. Edouard Ier, sire de Beaujeu, de 1331 à 1351, était fils de Guichard VI et de Marie de Chatillon. Il eut de Marie du Thil, qu'il avait épousée en 1332, Antoine, qui lui succéda. Edouard Ier fut maréchal de France. (M. C. Guigue.)


Les sires de Beaujeu sont donc pour la seconde fois en possession de Châteauneuf, voici à quelle occasion :

Edouard 1er de Beaujeu s'était vu enlever la ville de Miribel en Bresse, par le Dauphin du Viennois, il se préparait à la reprendre quand le Dauphin fit connaître le traité secret de 1343, par lequel il cédait au roi de France ses États, s'il n'avait pas d'enfant, et s'empressa de l'exécuter en faisant à celui ci le transfert réel de sa province. L'exécution de ce traité fut un coup des plus malheureux à la puissance du sire de Beaujeu, qui ne pouvait se mettre en guerre contre son suzerain pour reprendre Miribel.

C'est alors que, pour compenser cette perte, le roi lui donna la jouissance de la seigneurie de Châteauneuf en Mâconnais et un péage sur les toiles à Villefranche, péage appartenant à la couronne. C'était un dédommagement insuffisant pour la perte de la plus belle partie de la souveraineté des sires de Beaujeu dans les Dombes. Le comte de Savoie, qui avait promis à Edouard Ier de lui aider à reprendre Miribel sur le Dauphin du Viennois, ne pouvant également tenir sa promesse maintenant que le roi en était possesseur, fait promesse de lui donner en compensation 700 florins de rente annuelle tant qu'il ne serait pas rentré en possession de Miribel.

La mort d'Edouard, arrivée quelque temps après, délivra le comte du paiement de cette rente ; puis, certain que le nouveau sire de Beaujeu, âgé seulement de douze ans, ne réclamerait pas, il s'entendit avec le Dauphin, qui lui fit l'abandon de toutes les terres en Dombes dont il avait dépouillé Edouard Ier, et cela d'accord avec le Dauphin du Viennois.

Le roi lui-même ratifia ce traité, oubliant qu'il avait donné Châteauneuf au sire de Beaujeu jusqu'à ce que celui-ci ait recouvré Miribel ; il ne songea nullement à rendre une place dont il était devenu possesseur injustement, trouvant que ce qui avait été bon à prendre était bon à garder (1350).

La lettre, qui constate cette remise temporaire de Châteauneuf au sire de Beaujeu, est aujourd'hui perdue, mais elle se trouve inventoriée, dans le Procès-verbal pour la séparation des titres du Beaujolais, sous ce titre : Lettre de Philippe, roi, pour donner à Edouard de Beaujeu la ville et le château de Châteauneuf, jusqu'à ce que Humbert, dauphin du Viennois lui eut rendu le château et châtellenie de Miribel (1).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 2563. Archives nation. R. 927, f. 123. Les sires de Beaujeu, par E. L., Revue du Lyonnais, 1894, p. 131.


En même temps le roi promet au sire de Beaujeu de faire son fils, le dauphin Charles, à toutes prétentions sur le château de Beauregard (1), mars 1350.

Aussitôt Philippe VI, en mai 1350, mande à son bailli de Mâcon que, nonobstant toute opposition, il ait à mettre le sire de Beaujeu en possession de la terre de Châteauneuf, du péage de Villefranche et des autres choses qu'il lui a données (2).

Par suite de cette ordonnance, le prévôt de Mâcon, en vertu d'une commission du bailli royal, 25 juin 1350, met le procureur du sire de Beaujeu en possession de la terre de Châteauneuf et du péage de Villefranche (3).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 2563.
(2) Id., chart. 2572.
(3) Id., chart. 2574.


Le sire de Beaujeu, objet de ces transactions, était Edouard Ier, fils de Guichard le Grand. Il n'avait que douze ou quinze ans quand il succéda à son père, 1331, et nous avons vu comment on profita de sa jeunesse pour le dépouiller d'une partie de ses biens. Mais il devait devenir grand par sa bravoure. En effet, le nouveau seigneur de Châteauneuf devint maréchal de France et porta avec gloire la bannière de Beaujeu dans les armées du roi. Six mois après son avènement, le 12 mars 1331 (car l'année alors commençait à Pâques), il confirmait aux bourgeois de Villefranche leurs franchises communales et les étendait encore. Il mourut au combat d'Ardres, 1352, tué par les Anglais, ne laissant pour lui succéder qu'un enfant de neuf ans, Antoine de Beaujeu, qui devait voir la guerre de Cent-Ans et soutenir en Beaujolais la terrible lutte contre les bandes des Tard-Venus, venant l'assiéger jusque dans son château de Beaujeu.

A Châteauneuf, Marguerite de Châteauneuf, de cette famille dont nous avons parlé plus haut, épouse Guillaume de Semur, en 1353. Ce Guillaume, seigneur de Boisvert, était de l'illustre famille de Semur, en Brionnais, qui a fourni à Lyon l'archevêque Renaud de Semur. Les armes de cette famille sont : d'argent à trois cottices de gueules (Héraldique du Mâconnais, A. Arcelin) (1).

Armes de la famille de Semur

A la même époque, Huillard-Bréolles cite Guy de Châteauneuf, seigneur audit lieu (2), et nous trouvons François de Châteauneuf, possessionné à Chazay-d'Azergues, en 1357. Il fonde dans l'église de ce lieu son anniversaire moyennant la somme de 20 florins d'or pour l'acquisition des revenus qui doivent chaque année le solder (3).

(1) Notes de M. Morel de Voleine.
(2) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 1450.
(3) Arch. du Rhône, Fond d'Ainay, 2° arm., vol. XXX, chart. III bis. L. Pagani, Hist. de Chazay-d'Azergues, Lyon, Mougin-Rusand, 1892, p. 171.


Cette famille fut attirée à Chazay par les de Marzé, de noble et antique race chevaleresque, possessionnés à Chazay, à Morancé, à Anse, à Lucenay, à Alix en Lyonnais et en Beaujolais. La même année, un autre Châteauneuf, Guillaume, écuyer, capitaine de Beauregard pour le sire de Beaujeu, teste en présence de Charles de Marzé, chevalier, seigneur de Cusieux, etc. Il veut être enterré en l'église de Saint-Etienne de Dun-le-Roi, devant l'autel de Sainte-Catherine. Il charge ledit de Marzé de ses obsèques, fait divers legs à ses archers et serviteurs et institue Menneton de Châteauneuf son héritier (1).

D'après cela nous savons que l'église de Dun-le-Roi existait sous le vocable de Saint-Étienne et que les de Châteauneuf y étaient possessionnés. Il y a d'autres Dun dans le Cher et la Nièvre, mais nous les croyons trop éloignés pour que ce soient ceux désignés en cette charte.

En 1358, profitant des temps de trouble que l'on traversait, seigneurs et chevaliers de la châtellenie de Châteauneuf cherchent à se soustraire aux obligations qu'ils avaient comme vassaux envers le sire de Beaujeu, Antoine, qu'ils estimaient peu redoutable à cause de sa grande jeunesse.

Le jeune prince en appela au roi de France pour faire rentrer sous sa domination ces vassaux rebelles. Charles, dauphin et alors régent du royaume, mande aux officiers de la terre de Châteauneuf, que Philippe de Valois avait cédée à Edouard, sire de Beaujeu, en échange contre la terre de Miribel, de respecter les droits du jeune sire Antoine, fils et successeur d'Edouard, et de ne plus faire opposition à son autorité, 30 janvier 1358 (2).

(1) Mazures, t. 1er, p. 443. L. Pagani, Hist. de Chazay, p. 171.
(2) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 2758.


Cette ordonnance ne put encore obliger les récalcitrants à l'obéissance, et, en février 1358, Jean d'Hurigny, procureur d'Antoine de Beaujeu, fait requête au bailli de Mâcon, afin de faire poursuivre divers tenanciers de la terre de Châteauneuf, qui refusaient de payer leurs redevances au sire de Beaujeu, lequel, cependant, en était devenu propriétaire en vertu de l'échange que Philippe VI avait fait de cette seigneurie avec Edouard de Beaujeu, contre celle de Miribel (1).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 2760.


Antoine de Beaujeu était né au château de Pouilly, le 22 août 1343 ; il épousa, le 4 août 1372, Béatrix de Chalon, dont il n'eut pas d'enfant ; il testa en 1374 en faveur de son cousin, Edouard II, et mourut en septembre 1374.

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